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croix pensionnée de Maria-Isabel-Luisa et celle de don Fernando, que le général en chef O’Donnell lui décerna sur le champ de bataille. Fort heureusement la blessure était légère et lui permit de suivre l’armée. Après l’entrée des troupes à Tetuan, tandis que le général Rios, institué gouverneur, s’occupait d’assainir et d’organiser la ville, établissait un télégraphe, construisait même un chemin de fer, Alarcon de son côté mettait à profit les loisirs de l’occupation, et, en plein empire du Maroc, fondait un journal ; à la première occasion, le publiciste avait reparu ; il n’avait eu qu’à demander pour l’obtenir l’imprimerie de campagne du général en chef. L Écho de Tetuan, il est vrai, n’eut qu’un numéro, mais ce numéro marquait une date mémorable dans l’histoire de l’Espagne contemporaine. De retour à Madrid au moment où l’armée victorieuse allait marcher sur Tanger, Alarcon, par une habile polémique dans les feuilles les plus connues de la capitale, sut mieux que personne décider l’opinion publique à une paix devenue nécessaire. Il avait déjà fait paraître son Journal d’un témoin de la guerre d’Afrique, qui eut un grand succès. Écrit sous la tente, au milieu des pluies, après les marches, après le combat, avec un entrain et une rondeur toute militaire, ce livre est surtout curieux par l’abondance et l’exactitude des renseignemens ; on y sent dans le moindre détail, dans la plus simple description, un réel souci de la vérité ; aussi est-ce à lui le premier qu’il faudra toujours s’adresser quand on voudra connaître par tous ses côtés cette singulière expédition où le soldat espagnol retrouva un moment sa vieille gloire et son ancienne fortune.

Peu de temps après, Alarcon partait pour l’Italie. Là encore il heurtait à chaque pas mille souvenirs du passé et de la grandeur nationale. Sur cette terre classique, devenue le berceau de l’église et pendant deux siècles arrosée de tant de sang espagnol, le patriote, le chrétien, l’artiste, étaient émus à la fois, et c’est la triple