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mais une flotte anglaise plus nombreuse, commandée par l’amiral Norris, vint se présenter devant Roquefeuille. Celui-ci se retira, Norris voulut la poursuivre ; une tempête dispersa les deux escadres en faisant beaucoup plus de mal aux Français qu’aux ennemis.

L’expédition navale abandonnée, Charles-Edouard retourna à Gravelines. Il y avait convoqué les chefs jacobites, et leur proposa d’abord de prendre du service dans l’armée française. Keith, lord-maréchal d’Écosse, plus tard l’un des amis les plus intimes de Frédéric II de Prusse, s’opposa à ce projet, qu’il trouvait impolitique, et qui fut abandonné. Le prince alors prit hardiment son parti. Il demanda à tous les chefs présens de s’embarquer avec lui, de faire une descente en Écosse, d’appeler à eux leurs partisans et d’opérer un soulèvement. Ce projet avait plus de chances de succès que celui qui fut tenté l’année suivante. Ce fut encore le lord-maréchal qui s’y opposa et entraîna les autres gentilshommes. Charles-Edouard en conçut contre lui une aversion profonde, qui ne s’effaça plus.

Depuis l’échec de la flotte, le gouvernement français ne cessait de promettre, sans jamais rien faire. D’Écosse, on faisait savoir qu’une entreprise n’était pas possible sans un secours auxiliaire d’au moins 6,000 hommes et sans un subside de 30,000 louis d’or. Ce message, qui aurait dû ôter tout espoir, atteignit Charles-Edouard au château de Navarre, près d’Évreux, jadis retraite chérie de son aïeul Henri IV, et qui alors appartenait au jeune duc de Bouillon ; celui-ci témoignait à l’exilé une touchante amitié. Loin d’ajourner ses espérances comme on le lui conseillait, Charles-Edouard se décida pour un brusque départ. Il écrivit à son père une lettre d’adieux, voulant, disait-il, vaincre ou mourir. Il ne donna pas connaissance de ses projets à Louis XV ; mais il en écrivit au roi et à la reine d’Espagne. On était aux jours les plus longs de l’année. Charles-Edouard partit du château de Navarre la nuit, gagna la Loire et atteignit Nantes, où l’attendaient les deux petits navires qu’il avait frétés, la Doutelle et l’Elisabeth.

Ce fut sur la Doutelle qu’il s’embarqua à Saint-Nazaire le 8 juillet 1745, faisant voile vers l’Écosse, et suivi du second navire. Le troisième jour de la traversée, une frégate anglaise leur donna la chasse. Le navire l’Elisabeth, qui portait les armes et quelques petites pièces de canon, accepta le combat, reçut de considérables avaries, et fut obligé de rebrousser chemin. Le prince voulut se mêler à la lutte ; mais le commandant Walsh s’y opposa, réussit à s’esquiver, et mouilla heureusement dans un petit port de l’archipel des Hébrides.

Charles-Edouard touchait enfin cette terre d’Écosse, berceau de sa maison, où il avait espéré trouver un accueil enthousiaste. Des