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fameuse de Rio, le minerai est toujours embarqué péniblement à dos d’homme. Les chargeurs portent la couffe sur le dos comme au temps des Étrusques, et le minerai est amené des Carrières à la plage par de petits ânons, toujours comme à l’époque des Tarquins. Ceux-ci furent, dit-on, les découvreurs et les propriétaires de ces mines, qui depuis ont toujours appartenu à l’état. L’être impersonnel qu’on appelle de ce nom, n’ayant aucun intérêt direct à la bonne marche de l’entreprise, n’a cessé depuis trois mille ans d’exploiter les mines de la même manière, a pieusement respecté la routine des siècles et les droits acquis des ânons et des âniers. Le progrès pendant tout ce temps est allé d’un pas rapide, aujourd’hui vertigineux ; mais tout cela s’est fait pour d’autres. Quelle meilleure preuve peut-on donner de l’utilité qu’il y a de laisser à l’initiative privée le soin des exploitations souterraines et de leurs aménagemens ! Ici nous avons un gîte inépuisable, fouillé sans discontinuité depuis trente siècles, et qui produit à peine 200,000 tonnes par an ; là un gîte qui n’est connu que depuis trente ans et qui fournit déjà cinq fois plus que le premier, 1 million de tonnes annuellement, et en produira 2 millions avant dix ans. L’exploitation des mines n’est pas du ressort de l’état, et sur ce point, comme sur bien d’autres, tout bon gouvernement doit laisser les particuliers faire seuls leurs propres affaires.

Le hasard est le grand découvreur des mines, même les plus fécondes ; rarement l’art de l’ingénieur y intervient. Celles de Marquette ont été trouvées en 1844 dans une campagne topographique où les géomètres de l’Union, en opérant sur le terrain, s’aperçurent tout à coup que leur boussole était affolée. Une montagne d’aimant gisait dans le voisinage. De tout temps, les Indiens de ces régions avaient recueilli des échantillons de ce minerai, dont le poids et la couleur attiraient leur attention ; mais ils n’y attachaient aucune importance. En 1845, un chef chippeway, Manjikijick, conduisit les explorateurs sur les gîtes les plus accessibles. Immédiatement une compagnie se forma pour utiliser ces richesses minérales cachées depuis tant de siècles, et mit à sa tête un géologue et docteur de Boston, M. Jackson. En 1846, la mine était ouverte, et en 1847 une usine était établie près de l’endroit où est aujourd’hui N’gaunee. Les administrateurs de la compagnie, le président et le secrétaire, donnèrent à Manjikijick un certificat en bonne forme, daté du 30 mai 1846, où ses services étaient reconnus, et où on lui accordait 12 parts sur les 2,000 qui formaient l’apport de la compagnie[1]. Est-il besoin de dire que ce papier est resté lettre morte, que le sachem s’est éteint dans le besoin, et que ses héritiers, qui vivent

  1. Voyez le Geological Survey of Michigan, t. Ier, New-York 1873.