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cimetières un coup dont ils n’ont pu entièrement se relever sous Alexandre II. Leurs fonds furent confisqués, leurs bâtimens séquestrés. Un commissaire du gouvernement a été imposé à l’administration des hospices qui sont restés à leur charge, et dans les églises, où pendant près d’un siècle fut célébré le service des deux grandes branches du schisme, officièrent des prêtres relevant du saint-synode.

Nous avons pu visiter Rogojski, le centre de la popovstchine. Avec ses murailles et ses différentes églises, l’établissement raskolnik ressemble fort aux grands couvens orthodoxes. On éprouvait en entrant une impression de tristesse et d’abandon ; le cimetière, planté d’arbres, avait l’air pauvre et mal entretenu, on sentait partout quelque chose de pénible et de contraint. Rogojski possède un hôpital et un asile pour les vieillards semblables aux établissemens de nos petites sœurs des pauvres. L’asile, à l’époque de notre visite, contenait une centaine d’infirmes de chacun des deux sexes ; les salles étaient nombreuses, mais basses, petites et modestes. L’ensemble paraissait plutôt humble et indigent pour les richesses attribuées aux vieux-croyans ; peut-être sont-ils rebutés par la surveillance de l’état, peut-être craignent-ils de trop montrer leurs ressources. Partout se voyaient de vieilles images devant lesquelles étaient des hommes en prière. Tous ces gens, infirmes et infirmiers, hommes et femmes, avaient un air honnête et simple qui touchait. À notre passage dans les salles, ils se levaient, et, selon l’ancien usage russe, s’inclinaient devant nous comme ils s’inclinent devant leurs images, en pliant le corps en deux. Tout le luxe de Rogojski a été réservé pour les églises. La plus grande, l’église d’été, est haute et spacieuse, les murailles et les coupoles sont entièrement couvertes de peintures comme à la cathédrale de l’Assomption de Moscou. Beaucoup des images sont anciennes, les vieux-croyans paient fort cher ces vieilles icônes qui font de leurs églises une sorte de musée archéologique. Ils nous les montraient avec soin, nous en faisant remarquer l’antiquité, et distinguant les peintures archaïques imitées des peintures originales. Du reste le culte pour les images est le même chez eux que chez les Russes orthodoxes ; les plus vénérées étaient couvertes des mêmes robes d’or et de perles fines, couronnées des mêmes diadèmes de pierres précieuses. Toute la différence est que les vieux-croyans n’admettent que d’anciennes images, ou des images copiées sur les anciennes. Après les peintures, les gardiens de l’église nous montrèrent les vieux livres slavons, les missels imprimés sous les prédécesseurs du patriarche Nikone, et dont le texte leur sert de témoin contre la liturgie nouvelle. À Rogojski comme dans toutes les églises du rite grec, l’autel était caché derrière la haute muraille de l’iconostase ; mais là s’offrit à nos yeux un spectacle inattendu. Les portes de l’iconostase