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commission nouvelle, puisqu’elle a exclu une fraction considérable de la droite et du centre droit, de sorte que les antagonismes, au lieu de s’apaiser, ne font que se perpétuer et se raviver à travers toutes ces oscillations de majorité. Il n’est pas toujours facile de se reconnaître au milieu de ces confusions, et en définitive celui qui a parlé le vrai langage politique, qui a indiqué la seule route à suivre, c’est M. de Lavergne, dont l’intervention a été des plus sérieuses depuis quelques mois, et dont la nouvelle commission constitutionnelle vient de faire son président. Les paroles que M. de Lavergne a prononcées en prenant possession de cette présidence sont une définition de la situation et un programme politique. « Nous avons été conduits par un concours de circonstances impérieuses à donner au gouvernement la forme républicaine. Tous les bons citoyens doivent s’y rallier, puisque l’assemblée souveraine a prononcé… Montrons par la sagesse et la fermeté de nos décisions que nous savons dominer nos divisions pour maintenir au dedans l’ordre et la liberté, comme pour conserver la paix au dehors. » Ainsi a parlé M. de Lavergne, sans enthousiasme et sans subterfuge, comme un homme décidé à tirer parti d’une situation créée par la nécessité.

Que sortira-t-il maintenant de cette nouvelle commission des trente ? Il est à espérer que celle-ci ne recommencera pas dans un autre sens l’expérience de la première commission des trente, qui, pour être trop de la droite, a eu la chance de préparer lentement, laborieusement, des projets que l’assemblée n’a point sanctionnés. La commission nouvelle tiendra sans doute à procéder avec plus de rapidité, et, pour être trop de la gauche, elle ne s’exposera pas à préparer des lois qui ne retrouveraient pas la majorité du 25 février. Au fond, ce qu’il y aurait de mieux serait de ne pas trop se perdre en discussions inutiles, d’accepter à peu près les projets que le gouvernement a présentés, qui résument les garanties essentielles d’un régime régulier dans les conditions où la France est placée, où elle doit vivre assez longtemps. Qu’on s’étudie à éclaircir ou à préciser certains points des propositions ministérielles, rien de mieux ; dans leur ensemble, les projets sont ce qu’il y a pour le moment de plus réalisable, de plus conforme à notre situation, et ce serait une étrange méprise de ne pas tenir compte des nécessités du temps, d’attacher trop d’importance à des détails, à des considérations secondaires, d’exagérer la gravité des dissidences qui ont paru se produire dès les premières séances de la commission.

Qu’on disserte tant qu’on voudra sur les théories constitutionnelles, sur les lois respectives de la monarchie et de la république, sur la permanence des assemblées et sur la limite des pouvoirs exécutifs : aujourd’hui la première condition, et le ministère s’est justement inspiré de cette pensée, la condition première, c’est qu’il y ait un gouverne-