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recueils antérieurs, les curieuses légendes en prose recueillies jadis par M. Koulich sur les sorcelleries de Paleï et de Mazeppa, font pressentir tout l’intérêt que présentera le prochain volume des deux professeurs kiéviens.


III

Un autre côté héroïque de la vie cosaque, c’est le négoce avec les pays musulmans. En ce temps et dans ces régions barbares, il fallait que le commerçant fût homme de main. On escortait en armes les convois de marchandises. Déjà aux premiers siècles de l’histoire russe, les trafiquans varègues en route pour Constantinople passaient pour de hardis compagnons. Les traités de commerce confite avec Byzance donnent la mesure des défiances et des terreurs qu’ils inspiraient aux Grecs : ils se trompaient parfois d’industrie, dévalisant à l’occasion leurs cliens. Plus tard, quand les steppes de la Russie méridionale furent infestées des hordes nomades, Avars, Petchenègues, Polovtsi, il fallait quelque audace pour se hasarder sur les chemins qui menaient aux ports de mer ou bien aux villes du Danube. Protéger les voyageurs devint dès lors le premier devoir d’un bon prince russe. Dans l’histoire de ces descendans de Rourik, de ces fils des rois de mer, tout n’est pas, comme il semblerait, aventures, batailles et grands coups d’épée. Il faut vivre d’abord, ensuite guerroyer. Or c’était le commerce qui les faisait vivre. Quand Mtislaf Sviatoslavitch, en 1170, excite les autres princes russes à s’armer contre les Polovtsi, une des raisons les plus pressantes qu’il met en avant, c’est qu’il faut « retrouver les chemins de leurs pères et de leurs ancêtres » que ces brigands rendaient impraticables. Les dynastes varègues, frères de nos ducs normands, ne regardaient pas comme au-dessous de leur vaillance de convoyer les caravanes. En 1166, Rostislaf enjoint à ses frères, et à ses fils d’aller au-devant des marchands qui reviennent de Grèce. Quand l’Ukraine, nettoyée des nomades, commença à se repeupler, elle reprit les traditions du commerce national ; mais la ruine de l’empire byzantin par les Turcs, la domination des Tatars sur les rivages de la Mer-Noire, en avaient singulièrement changé les conditions. Ce furent surtout les cosaques qui se livrèrent à ce trafic amoindri. Ils avaient mieux conservé que les habitans de l’intérieur des terres la valeur indispensable au marchand. Eux seuls aussi pouvaient soutenir la concurrence avec le juif qui dans les villes de Pologne et de Lithuanie avait ruiné la bourgeoisie slave. Eux seuls pouvaient lutter de sobriété, d’épargne, de ténacité avec les fils faméliques d’Israël. Ici encore ils furent les représentans les plus énergiques de la nationalité ukrainienne et restèrent en armes quand