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En même temps que les comtes, les ducs, les missi, rendaient la royauté partout présente, Charlemagne avait autour de lui une administration centrale. Ce n’était pas lui qui l’avait créée ; il la tenait de Pépin, qui lui-même en avait reçu les élémens des rois antérieurs. Cette administration était constituée sur le modèle de l’ancien palatium des empereurs romains, et continuait à s’appeler le palais sacré. C’était un ensemble de ce que nous appellerions aujourd’hui des bureaux et des ministères ; nous en connaissons l’organisme par la description qu’un personnage éminent de la cour de Charlemagne nous en a laissée.

Les deux ministres principaux étaient l’apocrisiaire et le comte du palais. L’apocrisiaire, dont le nom et la dignité remontaient à l’empereur Constantin le Grand et s’étaient continués dans toute l’époque mérovingienne, était chargé des affaires ecclésiastiques. Tout ce qui concernait la conduite ou les intérêts du clergé était dans ses attributions. Le comte du palais était le chef de l’administration civile ; ses pouvoirs étaient très étendus et fort divers. Il tenait les sceaux, signait les diplômes de nomination, recevait les rapports des fonctionnaires. C’était lui aussi qui représentait le roi comme juge suprême. Au-dessous de ces deux grands dignitaires, on trouvait des chanceliers, des secrétaires, des notaires, des rédacteurs et des gardiens des diplômes royaux, A côté d’eux étaient un sénéchal, un bouteiller, un comte de l’écurie, un maréchal des logis, un camérier. Leurs fonctions se rattachaient surtout à la personne du prince ; mais elles touchaient aussi par quelques points aux affaires de l’état, car la distinction n’était pas aussi marquée entre la personne du prince et l’état qu’elle l’est dans les sociétés modernes.

Ces personnages étaient qualifiés du titre de ministre, terme qui signifiait serviteur du prince, et auquel s’attachait par cela même l’idée d’une grande autorité sur les sujets[1]. Chacun d’eux avait sous ses ordres une série d’agens. Le personnel de ce qu’on appelait le palais était fort nombreux. Il n’existait pas, à proprement parler, de capitale ; le vrai centre de cette administration n’était pas une ville, c’était la personne même du souverain.

On a dit quelquefois que l’empire de Charlemagne était gouverné par les hommes de race franque qui régnaient durement sur les Gallo-Romains d’une part, sur les Germains de l’autre. Cette hypothèse toute moderne ne s’appuie sur aucune preuve, et Hincmar écrit formellement le contraire. « Comme ce royaume, dit-il, se

  1. L’application du mot ministri était d’ailleurs plus étendue que celle de notre mot ministre ; il désignait même les comtes, même les centeniers, en un mot tous les fonctionnaires royaux.