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leurs végétaux sont des îles que la terre basse enferme comme une mer infranchissable. Le cèdre est donc confiné dans quatre ou tout au moins dans trois, centres séparés par des centaines de lieues les uns des autres. Dans lequel des trois placera-t-on l’origine de cet arbre, et pourquoi dans l’un des trois plutôt que dans chacun des deux autres ?

Plusieurs végétaux d’Orient, nous offriront des cas encore plus intéressais, Il existe deux espèces de platanes, l’une, le platane d’Orient, que le village de Bujuk-Déré a rendu célèbre, l’autre, le platane d’Occident, répandu dans l’Amérique du Nord. Les deux arbres, bien que d’espèce différente, appartiennent à un même genre. Il y aurait là un fait bien peu explicable, si l’on ne savait qu’à l’époque dite miocène par les géologues le genre platanus s’étendait du Spitzberg à la Méditerranée-. Or au XVIe siècle le platane était tellement inconnu chez nous que le voyageur Pierre Belon, l’ayant rencontré près d’Antioche, le signala comme une de ses singularitez. De son temps, on aurait donc assigné certainement au genre platanus deux centres de création fort éloignés, l’un de l’autre, si l’on s’était préoccupé de cette théorie. Beaucoup d’exemples analogues pourraient être empruntés à des types différens, notamment aux liquidambar et à la famille des ormes.


III

Les faits géologiques que nous ont offerts les types du platane nous conduisent naturellement à un dernier ordre de preuves empruntées à la paléontologie. Nous allons juger de quelle importance sont les progrès de cette science appliquée à la botanique, par les inductions dont elle fait profiter toutes nos recherches sur l’origine des végétaux.

Pour peu que l’on fouille l’écorce de notre terre, on constate dans certaines de ses couches les plus récentes, puis, de ses couches plus anciennes, des débris de végétaux passés à l’état de fossiles. En descendant ainsi progressivement, nous les rencontrons d’abord dans la période à laquelle les géologues donnent le nom de quaternaire, période que peut-être l’homme a pu connaître quand il a paru sur la, terre, puis dans l’immense période tertiaire, subdivisée de haut en bas en pliocène, miocène, éocène. On en trouverait encore au-dessous dans la craie, au-dessous encore dans le terrain jurassique, bien au-dessous enfin dans les terrains de houille, foyers heureusement inépuisables de nos usines, qu’alimente la végétation des siècles écoulés.