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nos forces commençant par les lois militaires et par les libéralités du budget, c’est là l’œuvre du patriotisme préparée ou accomplie par le dévoûment de l’assemblée, hardiment inaugurée par M. Thiers, dont le nom reste attaché à cette renaissance nationale. Le malheur des fractions monarchiques de l’assemblée a été de ne point s’en tenir là, de ne pas comprendre que, facilement unies dans tout ce qui intéressait le patriotisme, elles étaient trop divisées pour tenter cette entreprise d’une restauration royale. Leur erreur a été de ne point savoir prendre leur parti à propos, de se perdre dans les irritations et les vaines stratégies, au risque de ne plus former qu’une majorité incohérente de résistance inutile. Elles n’ont pas pu rétablir la monarchie comme elles le voulaient, elles ont été obligées de souffrir l’organisation de la république qu’elles ne voulaient pas, et, en fin de compte, cette dernière année qui s’achève aujourd’hui n’a été pour elles qu’une série de déceptions depuis le vote de la constitution du 25 février jusqu’à la récente élection des sénateurs. Là où elles pouvaient garder une position presque prépondérante en échange d’un concours dont le prix n’était pas méconnu, qui pouvait être décisif, elles sont restées vaincues, évincées du sénat, trahies même par quelques-uns de leurs anciens alliés de l’extrême droite et de l’appel au peuple qui jusqu’au bout ont aidé au succès des listes de la gauche comme pour offrir un suprême exemple de la confusion des partis.

Quoi qu’il en soit, cette élection sénatoriale qui couronne l’œuvre politique de l’année, qui est le dernier acte constitutionnel de l’assemblée, est définitivement accomplie. Elle assure dès ce moment au centre gauche et à la gauche une majorité considérable parmi les inamovibles du sénat. Que les vaincus de la droite et du centre droit aient ressenti quelque irritation, qu’ils n’aient point considéré comme une satisfaction absolument suffisante pour leur amour-propre l’élection exceptionnelle de M. le ministre de la guerre ou de M. le ministre de l’instruction publique et qu’ils aient laissé éclater leur amertume, ce n’est pas surprenant ; c’est l’épilogue de l’élection sénatoriale. À la première circonstance qui s’est offerte, M. le vice-président du conseil lui-même n’a point dédaigné d’ouvrir le feu en lançant des traits ironiques contre la gauche, qui s’est résignée à triompher avec l’aide des bonapartistes, et contre la complaisance toute gratuite des bonapartistes, qui ont tout donné sans rien recevoir. M. le duc de Broglie, provoqué par M. Raoul Duval, a parlé à son tour de la coalition des ressentimens et de la haine. Malgré tout, on aurait pu se dispenser peut-être de ces représailles pour plusieurs raisons. D’abord, s’il y a toujours vingt-quatre heures pour maudire les jugemens parlementaires comme les jugemens de toute sorte, les vingt-quatre heures étaient passées, et c’était montrer un peu trop la profondeur de la blessure qu’on avait reçue. En outre, les chefs de la droite