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dans le narthex de Vatopédi deux de ces Panagia ; leur vague sourire éveille le souvenir gravé dans l’âme de tous ceux qu’a regardés une fois la Joconde. — Ces vieilles reliques ont presque toujours une légende spéciale ; elles ont été sauvées des eaux où les avaient jetées les pirates, rapportées de Palestine après un long exil chez les Sarrasins ; elles saignent du coup de lance d’un soldat turc, une larme pend à leur paupière en souvenir de quelque sacrilège ; la vénération des caloyers les entoure ; elles sont suspendues dans l’ombre d’un pilier, éclairées par une lampe complaisante au jeu de ces mystérieuses physionomies. Nous les croyons de la seconde époque des peintures murales.

Le plus grand intérêt de ces icônes est parfois dans l’orfèvrerie délicate qui les recouvre, dans leur manteau d’argent ou de vermeil repoussé, dans le précieux travail de filigrane de leurs nimbes. Souvent leur couronne de métal est incrustée de gemmes, d’émaux cloisonnés ou champlevés. On peut s’assurer ici que les Byzantins ont pratiqué fort tard ces deux procédés : sur le revêtement d’un tableau de l’église de Lavra, un émail champlevé porte le millésime de 1608. — Les arts d’ornementation, le bibelot, comme on dirait irrévérencieusement aujourd’hui, voilà le véritable domaine de ces ouvriers appliqués et minutieux, qui ont la patience de l’esprit chinois sans en avoir les imaginations chimériques. Bien que la meilleure part des richesses de l’Athos ait été dispersée, vendue ou détruite à la suite de l’orage qui passa sur la montagne pendant la guerre de l’indépendance, il reste encore dans quelques couvens, surtout à Lavra et à Vatopédi, des trésors qui feraient pâlir ceux de nos vieilles abbayes. On nous apporte des évangéliaires aux lourdes couvertures de vermeil, des cassettes, des reliquaires, des croix, des vases sacrés, fouillés d’un burin précieux, constellés de diamans, de pierres et d’émaux. Nous retrouvons dans ces objets la même, progression inverse du sentiment de l’art, moins large et moins franc à mesure qu’il s’éloigne des origines et se rapproche de nous. — Voici un crucifix, renfermant du bois de la croix, et une couverture d’évangile, dons de Phocas et de Zimiscès (Xe siècle) ; la reliure du livre d’heures de Théodora, avec le Christ et la Vierge en émail ; ces bijoux sont d’un travail analogue à celui de nos orfèvreries de l’époque carolingienne. A Vatopédi, une belle coupe en pierre translucide, aux anses formées par des dragons d’or émaillé, accuse une imitation de la renaissance italienne ; à Xéropotamo, une pateritza (c’est la crosse orientale, qui a la figure d’une houlette), en ambre et émaux, est due à la munificence d’un voïvode valaque de la fin du XVIe siècle. Plus tard les ouvriers athonites excellent à fouiller dans le bois des figurines microscopiques, à représenter des scènes compliquées sur les branches étroites d’une croix. Sur les