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le nord. La difficulté était d’ouvrir la voie de manière à satisfaire tous les intérêts, et chacun des partis la réclamait exclusivement pour lui-même : les esclavagistes la voulaient dans les états du sud, leurs opposans dans ceux du nord. Le président Lincoln, en marquant définitivement à Omaha sur le Missouri le point de départ de la grande route ferrée continentale, ne favorisait pas seulement le nord, qui allait être victorieux ; la tête de la nouvelle ligne avait aussi l’avantage d’être sur l’un des plus grands fleuves de l’Amérique et au centre même de l’immense empire des États-Unis.

La réussite de cette gigantesque entreprise a suscité d’autres projets du même genre au nord et au sud, sur des tracés plus courts que le premier et traversant des terrains plus fertiles. Les inventeurs de l’un de ces projets sont venus frauduleusement écouler un jour leurs actions sur le marché financier de Paris, qui ce jour-là fut bien ignorant et bien crédule : nous avons nommé le trop fameux Transcontinental-Memphis-Pacific, où l’on regrette de voir mêlé, entre autres noms jusque-là honorables, celui du général Fremont, qui avait été précisément l’un des glorieux explorateurs du far-west, et qui en 1856 faillit l’emporter sur M. Buchanan dans l’élection à la présidence des États-Unis. Le Northern-Pacific, qui, de Duluth à L’extrémité occidentale du Lac-Supérieur, marche vers l’Orégon, est aussi l’un de ces chemins de fer du Pacifique encore en germe, sur lesquels on a eu tort de fonder au début les espérances les plus folles. Un troisième chemin du même ordre se détache de Saint-Louis sur le Mississipi, et ne saluera peut-être pas de quelque temps, lui non plus, les rives de l’Eldorado.


II. — LE MATERIEL ROULANT.

L’exposition universelle de 1867 à Paris a rendu familier à tous le type des locomotives américaines : elles se distinguent des machines anglaises, que l’Europe a imitées, par différentes modifications, la plupart très heureuses. Le mécanicien et le chauffeur sont à couvert des intempéries sous un pavillon vitré qui les protège et n’en vaquent que plus efficacement à leur besogne, la surveillance de la voie et de la machine, l’entretien du foyer. Une cloche est à portée du mécanicien, et il la fait sonner à toute volée à la traversée des lieux habités, à l’entrée et à la sortie des gares. Quand plusieurs trains partent et arrivent en même temps, c’est un carillon des plus assourdissans. Au moins est-on prévenu et de très loin dans un pays où. cette précaution n’est pas inutile, car les railways y traversent librement, sans barrière latérale, les villes, les villages, les rues et les places les plus populeuses, les passages à niveau des routes. Tout au plus une enseigne en évidence vous