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comme la plus courte et la meilleure, celle des concurrens comme la plus longue, si elle n’est même entièrement passée sous silence. C’est au voyageur à se défier de cette géographie imaginaire et de ces prospectus trop alléchans dont on s’obstine à bourrer ses poches ; mais les pauvres immigrans y sont pris quelquefois. Il est vrai qu’on fait maintenant des trains à leur usage, et que le conseil d’émigration qui veille paternellement sur eux à New-York leur donne à leur arrivée en Amérique tous les avis, toutes les indications dont auparavant ils manquaient.


III. — L’EXPLOITATION.

Il est une idée qui a cours en France, c’est que les chemins de fer américains vont plus vite que tous les autres. Cette opinion est erronée, car ils vont même moins vite : les nôtres ou ceux de l’Angleterre sont autrement rapides. Sans doute il y a un train-éclair entre New-York et Chicago dont les journaux français parlaient récemment, et qui parcourt en vingt-six heures la distance de 1,600 kilomètres qui existe entre ces deux villes ; cela donne une vitesse moyenne de 60 kilomètres à l’heure, qui sera, dit-on, portée à 70. Toutefois ce train n’existe que pour le transport des journaux et des dépêches. Il est également inutile de citer le train analogue entre New-York et Trenton, capitale du New-Jersey, et qui parcourt en une heure une distance de 58 milles ou 93 kilomètres : ce ne sont pas là des trains de voyageurs. S’il faut en croire la légende, les trains de la malle de l’Inde ont égalé chez nous ces vitesses vertigineuses. Le train rapide entre Paris et Marseille, qui ne met que dix-sept heures pour franchir une distance de 865 kilomètres, est peut-être un peu moins accéléré que le train spécial qui relie New-York à Chicago, et qui ne met plus que trente heures pour une distance à peu près double ; mais les trains-poste de Liverpool à Londres ou de Londres à Douvres, qui marchent à la vitesse de 60 kilomètres à l’heure, soit 1 kilomètre par minute, arrêts compris, ont une vitesse que les trains à voyageurs sur les chemins de fer des États-Unis n’ont pas encore atteinte. Quant aux trains ordinaires, la vitesse en Amérique est toujours moindre qu’en France, et cela est du surtout à la conformation du matériel roulant, très lourd, de grande dimension, et à l’état de la voie, qui est rarement aussi bien entretenue que chez nous.

Il ne faudrait pas croire non plus, comme on le répète trop souvent, que les voyageurs sont exposés à plus de dangers sur les routes d’Amérique. Nous avons parcouru entre les années 1867 et 1874 plus de 32,000 kilomètres en chemin de fer, et nous n’avons jamais été témoin d’aucun accident ; nous n’avons jamais