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de Madrid ; mais le théâtre qu’il préfère serait encore la Viscaye, et, pour parler plus exactement, un coin de la Viscaye, les Encartaciones, ce petit pays où il est né, où il a été élevé. Le lieu vraiment n’est pas mal choisi. La langue basque u fut autrefois uniquement parlée, comme l’attestent la tradition, les noms de famille et la plupart des désignations géographiques. À la longue et grâce aux rapports constans des habitans avec leurs voisins de la Vieille-Castille, la langue espagnole a fini par prévaloir ; cela explique comment Trueba a pu prendre rang parmi les auteurs castillans. Quant au reste, les encartados ne se distinguent point de leurs compatriotes du señorio. Voilà bien ce type basque à la fois élégant et fort : le nez aquilin, le regard doux et intelligent, le front haut, le visage ovale, un peu déprimé par en bas, le teint coloré, la taille élevée, les membres robustes et puissans ; voilà aussi ces mœurs sévères, cette ardeur infatigable au travail, ce courage indompté, ce patriotisme jaloux et exclusif. Les Encartaciones, dont la population s’élève à 15,000 âmes environ, furent le cœur de cette héroïque Cantabrie où quelques poignées de montagnards tenaient en échec les forces de l’immense empire romain ; à toute époque, elles ont fourni aux annales de la Viscaye des noms illustres et de grandes maisons, et maintenant encore, ne séparant pas leur cause de celle des provinces révoltées, elles luttent avec une énergie aveugle contre le gouvernement de Madrid. Nul pays ne semble mieux fait pour la résistance et tout ensemble pour le calme de la vie rustique et les travaux de la paix. De la partie montagneuse jaillissent de nombreux ruisseaux qui, répandus dans les vallées, y forment cinq cours d’eau assez importans qui vont à peu de distance se jeter dans la mer. Partagé en quinze communes ou conseils, le territoire des Encartaciones n’embrasse guère qu’une circonférence de vingt lieues : pierreux par endroits, il est généralement fertile et fort bien cultivé. Les parties les plus élevées sont plantées de chênes, de hêtres, de châtaigniers, dont le bois, propre à tous les usages, est une des grandes ressources de la contrée ; dans les vallées abondent les arbres à fruité : les cerisiers, les pruniers, les pommiers ; on y trouve aussi d’excellens pâturages ; la vigne. pousse sur les pentes et donne un petit vin nommé chacoli, d’un goût très agréable. Les récoltes consistent principalement en maïs et autres céréales. Enfin à chaque pas s’ouvrent des carrières de marbre et de pierre à chaux, des mines de fer, de cuivre et de plomb ; plusieurs de ces mines étaient exploitées déjà du temps des Romains, comme celles de la fameuse montagne de Triano, immense bloc de fer dont Pline l’Ancien vante la richesse, et qui naguère encore fournissaient à l’industrie chaque année plus de 800,000 quintaux de minerai. Avant la guerre actuelle, de belles routes, admirablement entretenues par