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A la lecture de ce livre, l’âme ardente et passionnée de Grundtvig s’enflamma. Lui aussi, il rêvait des réformes dans l’église nationale, lui aussi il sentait que l’heure était venue de renouveler le vieux culte en décadence. Déjà même, tout occupé qu’il fût d’études profanes, il avait exprimé dans ses sermons des opinions religieuses fort peu orthodoxes, auxquelles il avait rallié quelques-amis. L’apparition du livre de Clausen, qu’il entreprit de réfuter, lui fournit une occasion de donner un corps à ses théories encore un peu indécises. Après une première brochure intitulée la Rénovation de l’église, il publia son traité du Vrai Christianisme, qui est resté comme le fondement de sa doctrine religieuse.

Il est difficile de définir’ exactement la nature du grundtvigvianisme. Ce n’est point précisément une secte, c’est, suivant le mot des initiés, un « point de vue » nouveau sur les choses religieuses, — un « point de vue » qualifié d’historique, car Grundtvig a la prétention de réformer en se fondant sur l’histoire et non sur la raison. Ce qui le frappa le plus dans ses études sur l’histoire du christianisme, ce fut d’abord la religion primitive du Christ et des apôtres ; ce fut ensuite la réforme, qui, d’après lui, ouvrit l’ancien christianisme aux hommes du Nord qui le devaient renouveler et purifier. Ramener la religion à ses dogmes et à ses formes des premiers jours, en élaguant ce qu’il appelle les superstitions romaines, avait été aussi le but de Luther ; mais le réformateur allemand ne repoussait l’autorité des papes et des conciles que pour mettre à leur place l’autorité de l’Écriture sainte. Sur ce point, le réformateur danois l’abandonne. Voyant que l’exégèse biblique ne conduit le plus souvent qu’à des divergences, tenant en grand mépris les discussions scolastiques et les stériles ergoteries sur le sens des textes sacrés, Grundtvig en vint à penser que Dieu ne pouvait avoir placé sa doctrine dans un ensemble de livres confus et souvent incompréhensibles. Réfléchissant en outre que, pendant au moins une génération d’hommes, il y avait eu des chrétiens avant la rédaction des Évangiles, il en conclut qu’il doit exister une règle de foi en dehors des Écritures, à laquelle ces chrétiens des premiers jours aient pu obéir. Ici apparaît le point de vue historique. Cette règle de foi, il la trouve dans le symbole que le Christ aurait de sa propre bouche confié à la mémoire de ses disciples après sa résurrection. Tel est le fond de la doctrine et ce que les disciples appellent « l’incomparable découverte » de Grundtvig. — A côté du symbole des apôtres, vivante expression de la foi, Grundtvig place le baptême comme seconde condition du salut : par ce sacrement, nous entrons dans l’église et nous concluons avec Dieu une sorte de pacte en vertu duquel, en échange de la foi, nous obtiendrons la vie éternelle. Le baptême étant antérieur aux Évangiles, puisque Jésus fut