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Norvégiens et des Suédois. Il rêvait de reconstituer sur de plus solides bases l’antique union de Calmar, qui avait réuni les trois couronnes sur la tête de la reine Marguerite. Les contemporains ont gardé le souvenir de l’ardeur avec laquelle, en 1814, il s’efforça d’enflammer l’enthousiasme de ses concitoyens pour la défense de la Norvège, que la diplomatie européenne venait d’octroyer au roi de Suède. Son appel produisit, paraît-il, une vive impression sur la jeunesse de Copenhague ; mais déjà les troupes suédoises, avaient passé la frontière, le Danemark dut céder. À cette époque et pendant bien des années encore, Grundtvig n’avait pas en politique les idées qu’il se forma plus tard, et qui, au même titre que les doctrines religieuses esquissées ci-dessus, sont devenues une des faces du grundtvigianisme. Il était, comme presque tous les Danois d’alors, partisan de la monarchie absolue : seulement tandis que la plupart l’étaient par instinct et un peu inconsciemment, comme on était royaliste en France avant la révolution, il raisonnait et établissait ses idées sur des fondemens historiques, Habitué à envisager les événemens humains au point de vue de la philosophie de l’histoire, il suivait les évolutions de l’esprit public et la série des faits pour en déduire des conséquences. Peu accessible aux théories françaises de 1789, il s’en tenait aux principes de la révolution danoise de 1660, qui, en enlevant le pouvoir à la noblesse pour le donner au roi, avait été un grand bienfait pour la nation. Auparavant le peuple était malheureux, réduit à une condition voisine du servage, accablé d’impôts et sans appui contre l’arbitraire des seigneurs. Aux états-généraux de 1660, une entente se conclut entre le » bourgeois et les clercs pour accorder au roi Frédéric III le pouvoir absolu avec l’hérédité, la couronne devint las sauvegarde du peuple contre les nobles, et à partir de cette époque le tiers-état ne cessa de prospérer. Au siècle dernier, principalement sous la sage administration de Bernsdorff, qu’on a pu appeler avec raison le Colbert danois, le commerce des villes prit un grand accroissement, et à situation des paysans continua de s’améliorer ; les ancienne » tenures féodales qui faisaient aux seigneurs la part du lion tombèrent en désuétude : de censitaires les paysans devinrent fermiers, de fermiers ils s’élevèrent peu à peu à la dignité de propriétaires en achetant les domaines de leurs anciens maîtres. Il ne paraissait pas nécessaire à Grundtvig d’opérer des réformes nouvelles : l’organisation des pouvoirs publics avait donné de bons fruits et méritait à ses yeux d’être respectée. Il avait en outre des préventions très vives contre le gouvernement constitutionnel : un roi sans pouvoir et des sujets régnans, il ne pouvait se faire à cette idée. Une monarchie puissante et patriarcale en même temps, ce qui dans un petit état n’est point irréalisable, lui semblait la