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commission de Milan et le commencement des attentats dirigés pour la troisième fois contre son caractère et sa vie, c’étaient là des signes manifestes annonçant que la princesse Charlotte n’était plus[1]. »

Qu’était-ce donc que cette commission de Milan ? Une sorte de tribunal secret, une chambre des enquêtes composée de trois personnes dévouées au régent et chargée de recueillir ou plutôt de provoquer en Italie toutes les dénonciations qui pouvaient accabler la princesse de Galles. L’entreprise était si odieuse que le prince, avant de s’y décider, avait eu besoin d’une apparence de prétexte. Il faut se rappeler ici la situation de la famille royale après la mort de la princesse Charlotte. Des quatorze enfans de George III, onze vivaient encore à cette date, sept princes et quatre princesses. Sans nous occuper des princesses, mariées, sauf une seule, à des princes d’Allemagne, disons simplement qu’aucun des princes anglais en 1817 n’était chef de famille. Le duc d’York, qui venait immédiatement après le prince-régent, âgé de cinquante-quatre ans alors et marié depuis une trentaine d’années à la sœur du roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, n’avait pas eu d’enfans de ce mariage. Parmi ses frères puînés, le duc de Cumberland (cinquième fils de George III), marié depuis 1815 à une princesse de Mecklembourg, n’avait pas encore de postérité. Les autres, le duc de Clarence, le duc de Kent, le duc de Sussex, le duc de Cambridge, ne s’étaient point mariés, et semblaient y avoir renoncé pour toujours ; le plus âgé des quatre avait déjà cinquante-deux ans, le plus jeune quarante-trois. La mort de la princesse Charlotte changea tout à coup leurs dispositions. On en vit trois du moins se marier en toute hâte, comme se disputant l’espoir et l’honneur de mettre la couronne d’Angleterre dans leur lignée directe. Le 7 mai 1818, le duc de Cambridge épousa la princesse Augusta, fille de l’électeur de Hesse-Cassel ; le 11 juillet, le duc de Clarence épousa la princesse Amélie, fille du duc de Saxe-Meiningen ; enfin ce même jour le duc de Kent épousa la princesse Victoria, sœur du prince Léopold de Saxe-Cobourg et veuve d’un prince de Linange. Le prince-régent feignit d’obéir au même sentiment qui avait inspiré à ses frères cette résolution subite ; lui aussi, il parut éprouver le besoin d’assurer dans sa maison la succession royale, et ce fut le prétexte qu’il désirait pour l’accomplissement de ses desseins. Au fond, cette question du trône lui était indifférente ; il ne songeait qu’à infliger un nouvel affront à la princesse de Galles.

Déshonorer officiellement la princesse, la convaincre d’adultère aux yeux du monde entier, faire prononcer sa dégradation par le parlement, amener par là un divorce que l’église eût été forcée de

  1. Voyez Defence of queen Caroline dans l’ouvrage intitulé Speeches on social and political subjects, by Henry lord Brougham. Londres 1857, t. Ier p. 87.