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majesté la reine vous ayant choisi, selon son bon plaisir, pour être son procureur-général et son procureur-général adjoint, vous prendrez place à la barre avec le rang qui appartient à vos offices. » C’étaient là des symptômes qui devaient alarmer les ministres. Après quelque hésitation, le 15 avril 1820, lord Liverpool, au nom du cabinet, remit à M. Brougham une proposition d’arrangement avec prière de la communiquer à la reine. Il était dit dans ce document que la pension annuelle de 35,000 livres assurée à la princesse de Galles avait cessé d’être valable par suite du changement de règne, mais que le roi demanderait au parlement de voter à la princesse une pension annuelle de 50,000 livres, à la condition expresse qu’elle ne remettrait jamais les pieds sur aucun point du territoire britannique, que jamais elle ne prendrait le titre de reine, jamais n’exercerait aucun des droits, ne réclamerait aucun des privilèges attachés à ce titre, sauf celui de nommer elle-même ses représentans devant la justice (law officers). Brougham eut le tort de ne pas communiquer ce document à sa cliente, il eut le tort plus grave de laisser croire au gouvernement que la réponse serait conforme à ses désirs. Pourquoi cette négligence ? Interrogé là-dessus dans le parlement, il donna plus tard des excuses singulières ; ses occupations de la chambre des communes et du barreau dans cette saison de l’année ne lui avaient pas permis de se rendre à Rome, où la reine se trouvait alors ; la mission était de telle nature qu’il n’avait pu la confier à des mains étrangères, il avait cru d’ailleurs que le gouvernement n’était pas si pressé de recevoir une réponse ou qu’il aurait trouvé un autre moyen de se mettre en relations avec la reine. Ces allures insouciantes dans une affaire qui ne souffrait point de retard ont paru justement suspectes ; on s’est demandé si Brougham n’avait pas un intérêt personnel à empêcher tout accommodement, la défense publique de la reine Caroline devant lui procurer plus de gloire et de profit que l’arrangement secret de la guerre des deux époux. Pour moi, je suis persuadé que Brougham connaissait trop bien le caractère de la reine pour se faire illusion sur l’efficacité des offres du ministère, et que son seul tort est de ne pas l’avoir dit franchement en déclinant la mission dont on le chargeait. Quoi qu’il en soit, la reine, ignorant le projet de ses ennemis, et apprenant que son nom est effacé des prières de la liturgie anglicane, s’empresse d’écrire à lord Liverpool. Elle est reine, c’est au premier ministre du roi que s’adressent ses plaintes : — Pourquoi a-t-on effacé son nom de la liturgie ? Pourquoi n’a-t-elle pas été informée de la mort de George III ? Pourquoi se conduit-on, en tout ce qui la concerne, comme si elle n’existait point ? Elle va se rendre immédiatement en Angleterre pour y maintenir ses droits.

Elle part en effet le 19 avril. Elle quitte Rome, remonte l’Italie