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avec votre altesse royale de la paix de l’Europe. Ma fille pour la première fois paraîtra en public dans la splendeur qui convient à l’approche des noces de l’héritière présomptive de cet empire. Votre altesse royale a choisi cette circonstance pour me traiter, sans provocation de ma part, avec une nouvelle indignité. De tous les sujets de sa majesté, je suis la seule personne que votre altesse royale empêche de paraître à sa place pour prendre part à la joie générale, et l’on me prive de la jouissance de ces nobles sentimens d’orgueil et d’affection qu’on permet à toutes les mères. » Lettre habile et touchante qui eût peut-être éveillé des remords chez un autre homme que le prince-régent ; malheureusement elle venait tard. Entre le prince et la princesse, il y avait trop de souvenirs odieux, trop de causes de haine accumulées. La popularité dont elle jouissait alors ne lui était plus d’un grand secours ; comme elle la devait moins à ses mérites qu’au mépris public encouru par le prince, elle ne pouvait guère s’en faire une arme à l’heure où les succès extérieurs du ministère couvraient la personne du régent. Persuadée que la lutte était désormais impossible, elle quitta l’Angleterre au mois d’août 1814. Elle se rendit d’abord dans son pays natal, resta quelque temps à Brunswick et alla ensuite habiter l’Italie.

Ce n’est pas le moment de suivre la princesse de Galles en ses dernières aventures. Nous la verrons revenir à Londres en 1820, lorsque George III, le pauvre vieillard privé de raison, passera de ce monde en l’autre, et que le régent deviendra roi sous le nom de George IV. Elle y reviendra pour réclamer son titre de reine, pour demander sa place dans la cérémonie du couronnement, pour protester contre la décision qui effaçait son nom des prières liturgiques ; comment répondra le roi ? Sa réponse, tout le monde le sait, ce sera le procès intenté à la reine, un scandale suprême mettant le comble à tous les scandales antérieurs. Aujourd’hui ce sujet n’est pas le nôtre. Ce n’est pas la princesse de Galles reine d’Angleterre, c’est la princesse Caroline, mère de la princesse Charlotte, que nous avons dû interroger d’abord. Le procès de la reine a eu lieu en 1820, et nous ne sommes qu’en 1814. De 181â à 1820, bien d’autres événemens nous appellent. On la connaît à peine, cette héritière présomptive du trône, qui est née si malheureusement et a grandi en des conditions si tristes. Profitons des renseignemens que nous apportent les souvenirs de Stockmar. Tout ceci n’est que le prologue, un prologue nécessaire, de l’histoire de la princesse Charlotte.


II

On a remarqué ces mots dans la lettre que nous citions tout à l’heure : « déjà plusieurs étrangers illustres sont arrivés en