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LES
PRÉVISIONS DES PESSIMISTES
POUR LE PRINTEMPS PROCHAIN

L’année est arrivée comme un lion et s’en est allée comme un mouton, disait jadis un homme d’état anglais. Puissions-nous dans onze mois d’ici en dire autant de l’année 1876 ! Puisse-t-elle démentir toutes les sinistres prophéties qui ont couru et courent encore à son sujet ! Elle est venue au monde précédée d’une fâcheuse réputation. Elle apportait à la France en don de joyeux avénement les élections générales et à l’Europe un redoutable problème à résoudre dans les pays du Bosphore et du Danube. Des troubles à l’intérieur et par surcroît une guerre générale, voilà ce que nous annoncent les pessimistes. Rien cependant jusqu’aujourd’hui, ils sont obligés d’en convenir, ne paraît justifier leurs appréhensions. La campagne électorale s’est ouverte dans un ordre parfait, et les premiers résultats connus ont fait monter la rente. D’autre part, il semble que l’Europe soit animée d’un sincère et vigilant désir de maintenir la paix, de parer par des expédiens diplomatiques aux complications d’où pourrait naître le conflit général qu’on redoute. Les pessimistes ne prennent point au sérieux ces rassurantes apparences. Ils estiment que l’ordre irréprochable qui règne en France sera mis avant peu à de rudes épreuves, et que l’entente provisoirement établie entre les puissances rivales qui se disputent la prépondérance dans les régions danubiennes n’est qu’une paix plâtrée, une paix fourrée ou, pour mieux dire, une paix boiteuse. En 1568, on avait baptisé de ce nom peu gracieux la trêve trop passagère conclue à Longjumeau entre les réformés et les catholiques. Ni les uns ni les autres ne se sentant de force à écraser leurs adversaires, ils durent se résigner à