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Platon enseignait à ses disciples ; quand il eut cessé de parler, l’un d’eux lui dit : « Et puis vous vous réveillâtes. » Nous souhaitons ardemment que ce ne soit pas le bruit du canon qui réveille M. Farley.

Les cabinets qui jouent aujourd’hui le rôle prépondérant et décisif dans le règlement de la question orientale n’ont eu garde de prendre pour règle de leur conduite des utopies et des songes. Ils ont reconnu qu’il était impossible de partager l’empire osmanli de manière à contenter également l’Autriche et la Russie, que cette entreprise était aussi chimérique que la quadrature du cercle et la recherche de la pierre philosophale. Il leur a paru que l’amélioration du statu quo était la seule solution qui répondît aux nécessités du moment, que tout autre remède serait pire que le mal. Les mesures que proposent les puissances équivalent, comme l’a remarqué lord Stratford de Redcliffe, à une mise sous tutelle de la Turquie ; mais l’ancien défenseur obstiné de l’intégrité et de l’indépendance de l’empire ottoman confesse que depuis longtemps cet empire est virtuellement sous tutelle. — « On ne saurait, écrivait-il l’autre jour, arriver à aucun résultat désirable en dépréciant les ressources de la Turquie et en contestant à ceux qui la gouvernent la faculté de faire droit aux demandes équitables des puissances et de redresser les griefs de leurs sujets chrétiens ; mais il y a un besoin évident d’influences étrangères pour éclairer les classes indigènes, de collaboration du dehors pour bien modeler les réformes, et par-dessus tout de l’action soutenue des gouvernemens amis pour désarmer les résistances. » On peut espérer que la Turquie finira par se prêter au traitement douloureux que ses médecins lui prescrivent ; il y va pour elle d’être ou de ne pas être. Elle a essayé de prendre les devans, elle a voulu prouver qu’elle était capable de se soigner et de se guérir elle-même. Par le firman du 14 décembre dernier, elle a fait à ses sujets chrétiens plus de concessions qu’on n’aurait osé lui en demander. Convaincu que ses docteurs lui ordonneraient une application de sangsues, le malade, plein de bonne volonté, s’est déclaré prêt à se saigner jusqu’au blanc dans la vue de leur plaire. Les docteurs ont hoché la tête d’un air sceptique ; ils ont répondu qu’ils se défiaient des ruses des moribonds et de la sincérité des saignées qu’on pratique sur soi-même. Ils s’en tiennent à leurs fatales sangsues. Que peut un malade contre six médecins ? mais il faut que ces médecins s’entendent ; si deux d’entre eux venaient à se prendre à la gorge, tout serait perdu, et les pessimistes auraient raison.

L’auteur anonyme d’une brochure qui a paru récemment sous ce titre : la France et l’Allemagne au printemps prochain, ne doit point être compté dans le nombre des pessimistes à outrance. Il ne désespère pas du maintien de la paix ; il a seulement des inquiétudes, et en vérité qui n’en a pas ? Il présume que, selon toute apparence, le projet collectif de