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Sur cette question du droit de la princesse et des devoirs qui lui incombent, le duc d’York est battu ; il ne lui reste plus que son grand argument ou plutôt son grand reproche : pourquoi la princesse Charlotte s’est-elle engagée comme elle l’a fait ? Pourquoi, sur la demande officielle des ambassadeurs du roi de Hollande, a-t-elle répondu oui dans une audience solennelle ? Pourquoi a-t-elle permis que le prince d’Orange envoyât de l’argent pour l’achat de ses bijoux ? Enfin est-ce qu’on ne l’a pas chargée elle-même du soin de ces achats ? Est-ce qu’elle n’a pas déjà fait ses commandes ? Qu’elle veuille bien réfléchir au mauvais jour que toutes ces choses vont jeter sur elle. — La princesse prend quelque temps pour réfléchir ; puis, après avoir débattu le pour et le contre, elle répond hardiment que rien de tout cela ne saurait l’engager ; promesses, argent, commandes, qu’est-ce que ces choses secondaires quand il s’agit de ses devoirs de princesse héritière du trône ?

Le duc d’York finit par comprendre qu’il n’aurait pas raison de cette tête obstinée ; s’il y avait encore un essai à tenter auprès de sa nièce, c’était en essayant de toucher son cœur. Il fallait pour cela lui envoyer le prince d’Orange en personne. C’est le 29 avril qu’il avait reçu la dernière missive de la princesse ; le lendemain, dans la matinée, le prince d’Orange se faisait annoncer chez la princesse Charlotte. La princesse, un peu indisposée, est encore au lit et ne peut recevoir. Le prince insiste, il veut absolument parler à la princesse, il attendra qu’elle soit levée. Elle se lève enfin, non sans mauvaise humeur. Peu à peu cependant, comme si cet empressement l’eût touchée, la voilà plus souriante. On introduit le prince, elle lui fait un aimable accueil, et tous deux se donnent l’assurance que leurs sentimens n’ont pas changé. Là-dessus, comme un étourneau, le prince s’imagine que toutes les difficultés sont aplanies. Il court au plus vite chez le régent et en revient bientôt avec une nouvelle qu’il croit décisive : le régent veut voir sa fille et promet qu’il mettra fin une fois pour toutes à ce qu’il appelle un malentendu ; jamais il n’a eu l’intention d’éloigner de l’Angleterre la princesse Charlotte. « Non, non, répond la princesse, je suis dans un état nerveux qui ne me permet pas de recevoir le régent. » Au fond, elle n’avait aucune confiance dans les promesses de son père, elle se défiait aussi d’elle-même, et, bien résolue à maintenir ses droits, dont les exigences s’accroissaient d’heure en heure, elle ne voulait pas s’exposer à des assauts qui l’effrayaient. Le même jour, 30 avril, elle écrit au prince d’Orange que ses idées sont irrévocables et que, moins ils discuteront à ce sujet, mieux cela vaudra ; elle ajoute qu’elle désire ne point le revoir avant que l’affaire soit définitivement réglée d’une façon conforme à ses vues. Nouvel