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ces tragiques événemens que fut constitué le ministère de lord Liverpool, ce ministère sous lequel s’accomplirent les plus grands événemens du siècle, car il dura quinze années, de 1812 à 1827, et ne fut dissous qu’à la retraite de son illustre chef, enlevé aux affaires par la maladie.

Lord Liverpool, au milieu de tant de préoccupations publiques, ne dédaigna pas de jouer son rôle dans l’étrange débat que nous venons de résumer. Notons en passant que les péripéties de ce drame intime se déroulent précisément à l’époque où le monde retentit des catastrophes les plus tragiques. Lorsque lord Liverpool entre en scène au mois de mai 1814, il y a déjà trois mois que l’affaire est engagée, et n’oubliez pas ce que représentent ces trois mois dans l’histoire contemporaine. L’invasion de la France par les alliés, les efforts héroïques de Napoléon, les négociations entremêlées aux batailles, le congrès de Châtillon, les journées de Champaubert, de Montmirail, de Vauchamps, de Château-Thierry, enfin la prise de Paris, l’abdication de l’empereur, le retour des Bourbons, et le dominateur de l’Europe confiné dans l’île d’Elbe, voilà en quelques mots le résumé de cette période. Malgré le succès de la politique opiniâtre que l’aristocratie anglaise poursuivait depuis plus de vingt ans contre la révolution et l’empire, bien des choses dans les derniers arrangemens inquiétaient encore le ministère de lord Liverpool. N’avait-on pas eu tort de traiter avec Napoléon au lieu de le faire prisonnier ? L’Angleterre, qui n’avait jamais reconnu Napoléon comme empereur des Français, aurait-elle du accéder au traité du 11 avril 1814, qui lui reconnaissait ce titre et lui accordait une souveraineté indépendante dans l’île d’Elbe, à quelques heures des côtes d’Italie, à quelques journées des côtes de France ? D’autre part, ces grandes luttes finies, le gouvernement anglais n’avait-il pas à supporter une autre guerre, la guerre que les États-Unis lui avaient déclarée en juin 1812 ? Cette guerre, conduite des deux côtés avec un extrême acharnement, ne se termina que par un traité de paix signé à Gand le 24 décembre 1814 et ratifié le 17 février 1815. En face de tels intérêts, c’est bien peu de chose que le débat de la princesse Charlotte avec le régent au sujet de son mariage avec le prince d’Orange ; cependant, au milieu des préoccupations qui l’assiègent, lord Liverpool ne dédaigne pas d’intervenir » dans les obscures péripéties du drame ou de la tragi-comédie de Warwick-house. Le ministère dont il est le chef a contribué pour sa