Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il a fallu que David fût mort ou à peu près et son école à bout de crédit, qu’on fût à court de tout et en train de se retourner comme une nation le fait quand elle change de goût, pour qu’on vît apparaître à la fois dans les lettres et dans les arts la passion sincère des choses champêtres. L’éveil avait commencé par les prosateurs, puis de 1816 à 1825 il avait passé dans les vers. Enfin de 1824 à 1830 on vit que les peintres avertis se mettaient à suivre. Le premier élan nous vint de la peinture anglaise, et par conséquent lorsque Géricault et Bonington acclimatèrent en France la peinture de Constable et de Gainsborough, ce fut d’abord une influence anglo-flamande qui prévalut. La couleur de Van-Dyck dans ses fonds de portraits, les audaces et la fantasque palette de Rubens, voilà d’abord ce qui nous servit à nous dégager des froideurs et des conventions de l’école précédente. La palette y gagna beaucoup, la poésie n’y perdit pas, la vérité ne s’en trouva qu’à demi satisfaite. Notez qu’à la même époque et par suite d’un amour pour le merveilleux qui correspondait à la mode littéraire des ballades, des légendes, à la couleur un peu roussâtre des imaginations d’alors, le premier Hollandais qui souffla quelque chose à l’oreille des peintres, ce fut Rembrandt. A l’état visible, à l’état latent, le Rembrandt des brumes chaudes est un peu partout au début de notre école moderne. Et c’est précisément parce qu’on sentait vaguement Rubens et Rembrandt cachés dans la coulisse qu’on fît à ceux qu’on appela des romantiques la mine ombrageuse qui les accueillit quand ils entrèrent en scène.

Vers 1828, on vit du nouveau. Des hommes très jeunes, il y avait dans le nombre des enfans, montrèrent un jour des tableaux fort petits qu’on trouva coup sur coup bizarres et charmans. Je ne nommerai de ces peintres éminens que les deux qui sont morts, ou plutôt je les nommerai tous, sauf à ne parler selon mon droit que de ceux qui ne peuvent plus m’entendre. Les maîtres du paysage français contemporain se présentèrent ensemble ; ce furent MM. Flers, Cabat, Dupré, Rousseau et Corot. Où se formèrent-ils ? D’où venaient-ils ? Qui les avait poussés au Louvre plutôt qu’ailleurs ? Qui les avait conduits, les uns en Italie, les autres en Normandie ? On dirait vraiment, tant leurs origines sont incertaines, leurs talens d’apparence fortuite, qu’on touche à des peintres morts depuis deux siècles et dont l’histoire n’a jamais été bien connue.

Quoi qu’il en soit de l’éducation de ces enfans de Paris nés sur les quais de la Seine, formés dans les banlieues, instruits on ne voit pas trop comment, deux choses apparaissent en même temps qu’eux : des paysages naïvement, vraiment rustiques et des formules hollandaises. La Hollande cette fois trouvait à qui parler ; elle nous enseignait à voir, à sentir et à peindre. Telle fut la