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fidélité ses habits, son visage, ses habitudes, son goût, ses inclinations et son esprit. Mais la peinture d’histoire, me direz-vous ? D’abord, au train dont vont les choses, est-il bien certain qu’il existe encore une école d’histoire. Ensuite, si ce vieux nom de l’ancien régime s’appliquait encore à des traditions brillamment défendues, fort peu suivies, n’imaginez pas que la peinture d’histoire échappe à la fusion des genres et résiste à la tentation d’entrer elle-même dans le courant. On hésite, on a quelques scrupules à s’y jeter et finalement on s’y lance. Regardez bien d’années en années les conversions qui s’opèrent et sans examiner jusqu’au fond, ne considérez que la couleur des tableaux. Si de sombre elle devient claire, si de noire elle devient blanche, si de profonde elle remonte aux surfaces, si de souple elle devient raide, si de la matière huileuse elle tourne au mat, et du clair-obscur au papier japonais, vous en avez assez vu pour apprendre qu’il y a là un esprit qui a changé de milieu et un atelier qui s’est ouvert au jour de la rue. Si je ne mettais d’extrêmes précautions à vous parler de choses auxquelles je m’interdis de toucher, je serais plus explicite et vous ferais saisir du doigt des vérités qui ne sont pas niables.

Ce que je veux en conclure, c’est qu’à l’état latent comme à l’état d’études professionnelles, le paysage a tout envahi et que, chose singulière, en attendant qu’il ait rencontré sa propre formule, il a bouleversé toutes les formules dont on se servait autour de lui. Il a causé beaucoup de ravages, troublé de bons esprits et compromis quelques talens. Il n’en est pas moins vrai qu’on travaille pour lui, que les tentatives essayées sont essayées à son profit, et que, pour excuser le mal qu’il a fait à la peinture en général, il serait heureux que ce genre de peinture y trouvât son compte.

Au milieu des modes changeantes, il y a cependant comme un filon d’art qui continue. Vous pouvez, en parcourant nos salles d’exposition, apercevoir çà et là des tableaux qui détonnent et s’imposent, par une ampleur, une gravité, une puissance de gamme, une interprétation des effets et des choses, où l’on sent presque la palette d’un maître. Il n’y a là ni figures, ni agrémens d’aucune sorte. La grâce en est même absolument absente ; mais la donnée en est forte, la couleur profonde et sourde, la matière épaisse et riche, et quelquefois une grande finesse d’œil et de main se cache sous les négligences voulues ou les brutalités un peu choquantes du métier. Le peintre dont je parle, et que j’aurais du plaisir à nommer, joint à l’amour vrai de la campagne l’amour non moins évident de la peinture ancienne et des meilleurs maîtres. Ses tableaux en font foi, ses eaux-fortes et ses dessins sont également de nature à en témoigner. Ne serait-ce pas là le trait d’union qui nous rattache encore aux écoles des Pays-Bas ? En tout cas,