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passé travaille, je ne cite qu’un peintre et que je pourrais les y mettre tous. Ensuite par sa date dans l’œuvre de Rembrandt, par son esprit et par ses mérites, elle montre le chemin qu’il avait parcouru depuis les tâtonnemens incertains que nous révèlent deux toiles vraiment trop estimées du musée de La Haye : je veux parler du Saint Siméon et d’un petit portrait de jeune homme, qui me paraît évidemment être le sien et qui dans tous les cas est le portrait d’un enfant fait avec quelque timidité par un enfant.

Quand on se souvient que Rembrandt est élève de Pinas et de Lastman, et pour peu qu’on ait aperçu une œuvre ou deux de celui-ci, on devrait être moins surpris, ce me semble, des nouveautés que Rembrandt nous montre à ses débuts. A vrai dire, et pour parler sagement, ni dans les inventions, ni dans les sujets, ni dans ce mariage pittoresque des petites figures avec de grandes architectures, ni même dans le type et les haillons Israélites de ces figures, ni enfin dans la vapeur un peu verdâtre et dans la lumière un peu soufrée qui baignent ses toiles, il n’y a rien qui soit bien inattendu, ni par conséquent bien à lui. Il faut arriver à 1632, c’est-à-dire à la Leçon d’anatomie, pour apercevoir enfin quelque chose comme la révélation d’une carrière originale. Encore convient-il d’être juste non-seulement avec Rembrandt, mais avec tous. Il faut se rappeler qu’en 1632 Ravesteyn avait de cinquante à soixante ans, que Frans Hals avait quarante-huit ans, et que de 1627 à 1633 ce merveilleux praticien avait fait les plus considérables et aussi les plus parfaits de ses beaux ouvrages. Il est vrai que l’un et l’autre, Hals surtout, étaient ce qu’on appelle des peintres en dehors, ce qui veut dire que l’extérieur des choses les frappait plus que le dedans, qu’ils se servaient mieux de leur œil que de leur imagination, et que la seule transfiguration qu’ils fissent subir à la nature c’était de la voir brillante, charmante, richement colorée, élégamment posée, physionomique et vraie, et de la reproduire avec la meilleure palette et la meilleure main du monde. Il est également vrai que le mystère de la forme, de la lumière et du ton ne les avait pas exclusivement préoccupés, et qu’en peignant prestement, sans grande analyse et d’après des sensations promptes, ils ne peignaient que ce qu’ils voyaient, n’ajoutaient ni beaucoup d’ombres aux ombres, ni beaucoup de lumière à la lumière, et que de cette façon la grande invention de Rembrandt dans le clair-obscur était restée chez eux à l’état de moyen courant, mais non pas à l’état de moyen rare et pour ainsi dire de poétique. Il n’en est pas moins vrai que, si l’on place Rembrandt en cette année 1632 entre des professeurs qui l’avaient fort éclairé et des maîtres qui lui étaient extrêmement supérieurs comme habileté pratique et comme