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homme de résolution, et, du jour où il eut accepté la direction des communes pour enlever la ratification de la paix, il n’hésita pas sur les moyens, et appliqua résolument les procédés consacrés au XVIIIe siècle. C’est sous cette forme dégagée que Shelburne fait allusion à ce scandaleux trafic de voix dont Fox fut l’instigateur et qui changea la majorité de la chambre. Du reste la composition des communes, et à peu d’exceptions près des collèges électoraux, lui rendit sa tâche très aisée. Le roi avait bien jugé cette assemblée et son nouveau chef quand il avait dit à George Grenville : « Pour gouverner des gens sans scrupule, nous ne pouvons pas prendre des saints. »

Le vote des préliminaires fut suivi d’une hécatombe des grands seigneurs whigs et de tous les fonctionnaires suspects. Cependant Fox poursuivit sa vengeance jusque sur les employés de l’ordre inférieur, et Shelburne, qui avait applaudi à la destitution des personnages politiques, se sépara de lui très nettement sur ce point.


« La majorité qu’il a obtenue a tourné la tête à Fox. Il pense qu’il a rempli tous ses engagemens et qu’il ne peut pas être suffisamment récompensé. Décidé à se retirer à la fin de l’année, c’est-à-dire à siéger à la chambre des lords, il ne s’occupe plus de personne et ne s’intéresse plus aux affaires de la chambre. Il ne songe qu’à ce qu’il pourrait bien demander pour lui, pour son frère, ses neveux, ses amis ou ceux de sa femme et ses cliens. Il peuple tous les emplois de ses créatures, et s’attache à chasser tous les amis du duc de Newcastle, sans souci de ce qui peut arriver après lui, ou de l’état dans lequel il laissera l’administration. »


Poursuivi par la haine des tories et des Écossais qui s’étaient un moment laissés conduire par lui, Fox, dont la santé n’était pas bonne, et qui aimait les doux loisirs, demande à quitter la chambre où il était en butte aux plus violentes attaques, et à recevoir le prix du service signalé qu’il avait rendu à la couronne et à sa politique. Sa prétention était d’obtenir le titre et le rang de pair et de conserver sa place de payeur général, qui lui ménageait le maniement de sommes considérables et lui assurait d’énormes profits. Shelburne servit encore d’intermédiaire entre Fox et Bute au sujet de cette place, et il ne pouvait pas cacher l’étonnement et le dégoût que lui inspirait une avidité si impudente.

Il aurait fallu un talent de diplomate bien merveilleux pour échapper à tous les écueils dont était semée une négociation aussi mesquine. Fox accusa vivement Shelburne de l’avoir trahi, d’avoir laissé supposer qu’en acceptant la pairie il renoncerait au poste de payeur général et le traita d’infâme menteur. Walpole, dans ses