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est absolument officielle, plus officielle que toutes Les toiles de Van der Meulen réunies. Napoléon entouré de son état-major et placé au centre d’un cercle de fantassins l’arme au bras et de cavaliers caracolant, brandissant leurs sabres et agitant des drapeaux pris à l’ennemi, voilà la bataille d’Austerlitz. Ce n’est point une bataille. Ce n’est point non plus Austerlitz, du moins rien ne le montre. Ce pourrait être tout aussi bien Wagram, Iéna ou Friedland. Ce tableau a toutefois un mérite, celui d’avoir servi de modèle au metteur en scène de l’ancien, cirque olympique pour le cinquième acte des pièces militaires.

La peinture de batailles ne tomba pas avec l’empire le jour de Waterloo. L’épopée avait pris fini. Il appartenait au poète comme Victor Hugo, à l’historien comme M. Thiers, au peintre comme Vernet, de la chanter, de la raconter, de l’illustrer. L’expédition d’Espagne, la conquête de l’Algérie, la création de la galerie des Batailles à Versailles, allaient bientôt d’ailleurs donner et sujets et commandes aux peintres de batailles. Si Charlet n’a pas la puissance et la grandeur de Gros, il a autant que lui le sentiment du combat, l’expression de la vérité locale, plus que lui la profonde connaissance du soldat. La Retraite de Russie n’a certes pas l’effet du Champ de bataille d’Eylau, mais elle inspire peut-être une impression égale. Cette longue colonne perdue dans l’immensité de la steppe blanche, marchant à l’aventure sous un ciel gros de neige et semant sa route incertaine de cadavres et de moribonds, est comme une vision de cette tragique retraite. Ces soldats, grenadiers, chasseurs, vélites, cuirassiers et dragons démontés, dont le visage qu’ont pâli la souffrance, la fatigue, la faim, conserve encore un caractère de farouche résolution, sont pris sur le vif par la double vue du poète et de l’artiste.

Horace Vernet a livré autant de batailles sur la toile que Napoléon en a gagné sur le terrain. Le nombre de tableaux militaires que ce maître fécond a peints est incalculable. Aussi a -t-il cru devoir souvent varier sa manière. Malheureusement pour lui, dans la plupart de ses œuvres, il s’inspira plutôt de la composition de Gérard que de celle de Gros. De cinq de ses œuvres capitales, la Bataille de Bouvines, la Bataille de Fontenoy, la Bataille d’Iéna, la Bataille de Friedland, la Bataille de Wagram, aucune n’est une bar taille. Bouvines montre Philippe-Auguste déposant sa couronne sur l’autel pour l’offrir à celui de ses barons qui serait plus digne que lui de la défendre. Fontenoy représente un groupe de cavaliers apportant à Louis XV deux drapeaux pris à l’ennemi. Iéna, c’est l’empereur haussant les épaules au cri d’En avant ! proféré dans le rang par un jeune soldat ; — une vignette de Raffet dans une