Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/919

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colonne mercurielle était dans les tubes à 26 pouces 3 lignes 1/2 ; au sommet de la montagne, Périer le vit descendre à 23 pouces 2 lignes, tandis qu’il n’avait point changé à la station inférieure. Il y avait donc une différence de plus de 3 pouces entre les hauteurs du baromètre aux deux stations extrêmes, et des différences moindres furent constatées aux stations intermédiaires. On sait que Pascal répéta l’expérience à Paris, au haut et au bas de la tour de Saint-Jacques de la Boucherie, qui porte aujourd’hui sa statue. Il fallut alors se rendre à l’évidence et reconnaître que les effets qu’on avait si longtemps attribués à l’horreur du vide étaient en réalité dus au poids de l’atmosphère. Pascal ne renonça pas pourtant sans effort à l’ancienne théorie. « Je n’estime pas, écrivait-il encore à son beau-frère quelques mois avant la grande expérience, je n’estime pas qu’il nous soit permis de nous départir légèrement des maximes que nous tenons de l’antiquité, si nous n’y sommes obligés par des preuves indubitables et invincibles ; mais en ce cas je tiens que ce serait une extrême faiblesse d’en faire le moindre scrupule. »

La pensée d’utiliser la situation exceptionnelle de cette montagne pour des observations météorologiques devait se présenter plus d’une fois à l’esprit des savans : elle semble placée là en vigie, au sein de la région où s’élaborent les nuages ; un observateur posté au sommet voit en quelque sorte le mauvais temps germer à l’horizon et arriver sur lui. Voici une expérience souvent racontée par M. Babinet. Un soleil brillant darde ses rayons sur la plaine fertile de la Limagne ; pas un nuage dans toute cette vaste étendue, partout le calme de l’air et la transparence la plus parfaite. Tout à coup, du sommet du Puy-de-Dôme on voit s’opérer un mouvement dans cette masse si calme ; les arbres, en inclinant leurs têtes vers la montagne, indiquent que c’est vers ce côté que se dirige le courant. La masse d’air devait forcément s’élever le long des flancs herbeux de la montagne, et, en montant, se dilater et se refroidir. En effet, on vit bientôt la tête du courant ascendant se troubler, s’obscurcir et former un nuage nettement défini. Peu à peu le nuage se développa et couvrit le pays jusqu’à mi-hauteur ; la teinte du sol arrosé montra qu’il s’en échappait une pluie abondante. Un peu plus tard, quand le vent eut encore élevé le nuage, ce furent des flocons de neige qui en sortirent, donnant aux habitans de la plaine le spectacle d’une neige d’été. Les observateurs stationnés sur le pic étaient environnés de ténèbres ; un caprice du vent fit plier le courant d’air à droite, vers la chaîne du Mont-Dore, et tira pour ainsi dire le rideau qui leur avait dérobé le spectacle de la Limagne, d’Auvergne avec ses cultures, ses arbres, ses roches volcaniques et