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leurs bâtons. Il fallut faire demi-tour et remonter 50 mètres à pic, on mit une heure à sortir de ce mauvais pas. Enfin on arrive, très fatigué déjà, au fond du vallon. Là, le terrain devenait presque horizontal ; la neige, beaucoup plus molle et profonde de 2 mètres, ne cédait plus comme sur les pentes ; il fallait des efforts inouïs pour la déplacer.

Vers trois heures, on était au Pont-de-Bois. Il restait à franchir le goulet d’Arises, passage devenu méconnaissable par l’amoncellement des neiges. En sondant le terrain à chaque pas, on arrive enfin à l’endroit où le chemin en corniche longe le précipice. « Après un temps d’arrêt pour nous bien reconnaître, dit M. de Nansouty, je distingue un petit chêne, un coudrier et un églantier ayant encore ses feuilles, qui se trouvent sur le bord même du sentier, et que je reconnais parfaitement. Je les indique à Brau comme points de direction en lui recommandant de faire tous ses efforts pour les conserver à sa droite. Nous sommes passés à 25 centimètres de l’églantier, et je vous avoue sincèrement que j’ai eu froid dans le dos. »

A quatre heures et demie, on se trouvait devant une cabane fermée et abandonnée. M. de. Nansouty souffrait horriblement de crampes dans le haut des jambes, et ne pouvait plus marcher qu’en se faisant faire des ligatures très serrées à l’aide de deux courroies. Il aurait voulu passer la nuit dans cette cabane ; mais il eût fallu, pour y entrer, enfoncer la porte ou briser la fenêtre. On reprit, par les pentes, le chemin de la route thermale, que l’on atteignit à huit heures du soir. A partir de ce moment, il y eut de fréquens éclairs, et la neige nouvelle émettait une lueur phosphorescente bleu clair, surtout lorsqu’on la remuait. En arrivant à Gripp à une heure du matin, tout le monde était accablé par la fatigue et tiraillé par la faim. On avait mis seize heures à faire un trajet qui en demande trois en été. A l’hôtellerie de Gripp, les trois voyageurs trouvèrent enfin de quoi souper et dormir.

Dès le 1er juin 1875, M. de Nansouty et l’observateur s’étaient de nouveau internés à l’hôtellerie pour l’hiver entier. Quelques jours plus tard, ils étaient en mesure de donner une preuve de l’utilité de leur poste avancé, car le 22 juin, à la veille des perturbations atmosphériques qui devaient amener tant de désastres sur le midi de la France, ils purent transmettre aux communes les plus proches et jusqu’à Tarbes des avis qui seraient arrivés à destination plus tôt, si on avait eu un fil électrique sous la main.

Vers le milieu du mois d’octobre, leur séjour sur les hauteurs faillit être encore abrégé par un accident. Après une terrible tourmente qui avait duré du 12 au 14, une grosse avalanche vint