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des humbles et une promesse de la vie éternelle à ceux qui auront été simples d’âme et de bonne volonté, à ceux qui auront eu avec candeur le mépris d’eux-mêmes comme la Samaritaine, qui auront désiré en toute naïveté de cœur comme Zachée, qui auront gardé les mœurs innocentes des enfans, qui auront eu la foi parfaite et la confiance sans réserve comme la famille de Jaïre et celle de Lazare. Quant à ceux qui n’auront pas possédé ces vertus, ils auront le sort du figuier stérile, ils seront coupés et jetés au feu. Au moment de clore ces lignes, une idée me frappe qui pourrait bien nous rapprocher encore davantage de la vérité. Puisque les sculptures de ce sarcophage expriment en toute certitude une glorification des humbles, pourquoi la femme du centre, si richement parée et dont le geste indique une sorte de défaite acceptée, ne serait-elle pas un symbole du monde opposé à celui de l’humilité, du monde païen de l’orgueil, de la puissance et de la richesse, vaincu par les vertus chrétiennes des pauvres et des petits?

La chapelle des religieuses de la Visitation qui occupent l’ancien couvent des Dominicains mérite une visite. Cette chapelle est creusée à ses deux flancs de deux niches richement sculptées qui ont longtemps servi d’autel, et que dans ces dernières années on s’est enfin décidé à repeindre et à restaurer en les laissant avec leurs souvenirs. Deux tombeaux s’abritaient sous ces niches, ceux de deux hommes bien inconnus aujourd’hui, mais qui furent autrefois deux des puissans de ce monde et deux des illustrations des frères prêcheurs, le cardinal Hugues Aycelin de Billom et le cardinal Nicolas d’Arfeuille. Approchons-nous quelques minutes de ce passé rentré dans l’ombre, soufflons légèrement sur cette poussière, et nous allons voir apparaître quelques traces encore vives de la politique du moyen âge, comme on voit apparaître souvent des traces d’anciennes peintures lorsqu’on passe une éponge sur les murs d’une église ou d’un palais. J’aperçois par exemple que Hugues Aycelin[1], de l’illustre famille des Montaigu d’Auvergne qui a fourni plusieurs chanceliers à la France et nombre d’évêques à Clermont, élu cardinal en 1288 par Nicolas IV, fut très en faveur sous le pontificat de Célestin V, ce pieux ermite du nom de Pierre Morone, qui, par faiblesse d’âge et ignorance du monde, céda aux brigues secrètes

  1. Quelques érudits d’Auvergne veulent, contrairement à la tradition, que le cardinal de Billom se soit appelé Pierre Séguin et non pas Hugues Aycelin de Montaigu, et allèguent pour justifier leur assertion diverses autorités, la Gallia christiana, Moreri, etc. Nous avons recouru naturellement à ces autorités, nous y avons même ajouté celle de Duchesne, Histoire des cardinaux français, et comme ces autorités alléguées pour prouver le contraire sont précisément d’accord pour nommer Hugues Aycelin le cardinal de Billom, nous nous permettrons de continuer à lui laisser ce nom.