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de Massillon, et terminons cette esquisse par la pièce de Marguerite : aussi bien ne trouverions-nous pas conclusion plus heureuse et plus piquante. Cette pièce est une donation de Marguerite à son favori Canillac, où le caractère désordonné de la spirituelle princesse se révèle tout entier. Voici le texte de cette donation ; nous le transcrivons respectueusement dans toute son étendue et avec ses nombreuses répétitions, mais en prenant cependant pour plus de clarté la liberté de supprimer les myriades de fautes d’orthographe, — deux ou trois par chaque mot, — dont il est émaillé. Cela est étrange, n’est-ce pas, cette princesse qui pense si finement, sent avec tant de vivacité, écrit avec tant d’esprit, et qui est affligée d’une orthographe de fantaisie que ne saurait égaler la plus illettrée des grisettes contemporaines? Eh! mon Dieu, oui, l’orthographe est comme la propreté, une conquête toute moderne, car jusqu’à la fin du dernier siècle, nombre d’illustres personnages ont maintenu leur droit de ne pas la savoir. La conquête n’est cependant pas si considérable qu’elle le semble au premier abord; autrefois on écrivait sans orthographe dans un style admirable, aujourd’hui nous écrivons avec orthographe des choses assez fréquemment plates.


« Nous, Marguerite, par la grâce de Dieu, royne de Navarre, sœur unique du roi, duchesse de Valois et d’Étampes, comtesse d’Agenois, Rouergue, Senlis, de Marie, dame de la Fère et des sireries de Rioux, Rivière, Verdun, et Albigeois, etc., en considération des très signalés offices et très agréables services qu’avons reçu et espérons recevoir de Jean de Beaufort, marquis de Canillac, lesquels ne saurions jamais assez reconnaître, pour satisfaire en partie et non selon notre bonne volonté ni le mérite de ses bons effets, mais seulement selon notre pouvoir et pour témoignage de la perpétuelle souvenance que voulons avoir des bons offices qu’avons reçu de lui, lui avons donné, donnons, cédons et transportons à lui et aux siens tous les droits que nous pouvons avoir sur le comté d’Auvergne et autres terres et seigneuries du dit pays d’Auvergne appartenantes à la royne notre très honorée dame et mère, lesquelles nous peuvent et doivent appartenir tant pour le partage et légitime qui nous est dû que pour les deux cent mille francs que notre dite dame mère nous donna par contrat de mariage que pour