Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
REVUE DES DEUX MONDES.

par le scrutin populaire, et ceux qui croient que tout est sauvé, parce qu’ils ont triomphé, parce qu’ils ont une majorité républicaine. Eh! non, rien n’est perdu, comme le disent les uns, rien n’est sauvé, comme le disent les autres. C’est une péripétie de plus dans nos affaires, c’est tout simplement une situation qui commence, qui garde sa force et ses garanties, qui a aussi sans nul doute ses difficultés, ses dangers et sa moralité instructive pour tous les partis.

Que ces élections qui viennent de se dénouer par la victoire des candidats républicains aient sous plus d’un rapport une certaine gravité, qu’elles restent même provisoirement, si l’on veut, une énigme, on ne peut pas dire le contraire : elles créent des conditions laborieuses, oui assurément; elles se sont jetées avec une sorte d’emportement vers la république. Une fois de plus le scrutin du 20 février a été un de ces coups de vent de l’opinion qui déplacent toutes les perspectives, qui renouvellent brusquement la face de la politique, au risque d’affronter l’inconnu. C’est un chaos à débrouiller. En définitive cependant, il faut voir les choses comme elles sont, les exagérations et les récriminations ne servent à rien. Si dans les assemblées nouvelles les anciens partis conservateurs se trouvent dépossédés de la prépondérance qu’ils ont eue depuis cinq ans à Versailles, si, après avoir été la majorité, ils ne sont plus qu’une minorité, si la république triomphe malgré eux ou sans eux, à qui la faute? Qu’avaient-ils à proposer au pays sous ce mot vague et décevant d’union conservatrice? Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes de leurs mécomptes. Ce qui arrive aujourd’hui n’est que la dernière conséquence de toute une politique de fausses combinaisons, de tentatives stériles et de désastreuses méprises. Les partis conservateurs ont eu longtemps la puissance dans une assemblée souveraine, et ils en étaient jaloux même à l’égard de l’homme qui venait de rendre à la France les plus éclatans services. Ils ont fait une sorte de révolution pour mieux assurer cette puissance au moment où le pays, délivré de l’occupation étrangère, allait avoir à se donner une constitution intérieure. Ils désiraient le rétablissement de la monarchie, cela n’est point douteux, ils ont fait ce qu’ils ont pu pour y arriver; ils ont échoué, non devant les résistances qu’ils pouvaient rencontrer, qui auraient été peut-être réelles, mais devant un accident de volonté princière qu’ils n’ont su ni prévoir ni déjouer. Ils voulaient la royauté, ils n’ont pas pu ou ils n’ont pas su trouver un roi. A défaut de la monarchie qui leur échappait, ont-ils eu du moins d’autres idées, une politique à peu près saisissable? Ils sont entrés dans une voie où ils semblaient n’avoir d’autre pensée que de gagner du temps, de maintenir une sorte d’interrègne ouvert à l’imprévu, réservant un pouvoir constituant dont ils ne savaient que faire et fatiguant le pays d’un provisoire indéfini, stérile et irritant. Ils ont essayé d’un septennat sans pouvoir