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REVUE. — CHRONIQUE.

même réussir à en préciser le caractère et les conditions. À bout de résistance chagrine et inutile à l’évidence de la nécessité, à la force des choses, ils ont fini par être vaincus, par être obligés de laisser passer la république après l’avoir repoussée plusieurs fois, — une république avec l’organisation constitutionnelle, avec le maréchal de Mac-Mahon, avec les deux chambres, avec le droit de dissolution pour le gouvernement, avec la résidence à Versailles !

Dès lors du moins la situation semblait simplifiée. Puisque la monarchie était impossible, et qu’à prolonger ces résistances décousues on ne travaillait plus que pour l’empire, prêt à profiter de tout, cette république vigoureusement organisée était un terrain naturel où pouvaient se rencontrer tous les conservateurs qui, selon le mot de M. le maréchal de Mac-Mahon, mettaient les intérêts du pays au-dessus de leurs préférences. La première condition eût été d’entrer franchement, sans arrière-pensée, dans l’ordre nouveau. C’était de la droiture et c’était aussi de l’habileté. Point du tout : au lieu d’accepter sans réticence le fait accompli, la situation légale du pays, on a recommencé plus que jamais une guerre de subterfuge à la faveur de la révision possible ; certains légitimistes, moins irréconciliables que les autres, ont donné une adhésion du bout des lèvres, avec des réserves évidentes, les bonapartistes ont redoublé de violence, et, chose plus curieuse, M. Buffet, devenu vice-président du conseil, ministre de l’intérieur, a paru prêter l’autorité du gouvernement à toutes ces malveillances qui ne se déguisaient même pas. Il a semblé fonder toute sa politique sur la prétention affectée du nom de la république et sur l’alliance avec tous ceux qui ne demandaient pas mieux que de marcher, sous la protection apparente du gouvernement, à la révision, c’est-à-dire à la destruction prochaine de la constitution. M. Buffet ne l’entendait pas ainsi, il était de bonne foi, nous n’en doutons pas ; il ne s’est point aperçu seulement qu’avec ce système il s’exposait à paraître dupe ou complice, et qu’il devenait une énigme vivante pour l’opinion. Qu’en est-il résulté ? Le jour où les élections sont venues, le chef du cabinet n’a point eu l’autorité qu’il devait avoir, qu’il aurait eue bien aisément, si dès le début, au lieu de chercher une force factice dans des alliances compromettantes, il s’était placé résolument, sans détour, sur le seul terrain vrai et pratique, celui de la république constitutionnelle. Il n’a pas compris qu’on n’enlève point le suffrage universel avec des équivoques et des subtilités. Le suffrage universel a besoin de voir clair, il ne se rallie qu’à des choses simples, à une politique parfaitement nette et décidée.

Le pays, après tout, s’est trouvé au moment des élections entre deux partis. D’un côté étaient les alliés plus ou moins avoués du chef du cabinet, qui ne pouvaient faire la monarchie, qui ne voulaient pas de la république, et qui, en attendant, n’avaient à lui offrir que le vide avec