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REVUE. — CHRONIQUE.

dans la rue Saint-Antoine, et il est préféré aujourd’hui à M. Vautrain, qui n’est point, à ce qu’il paraît, d’une assez bonne couleur républicaine pour les purs du IVe arrondissement. Il est trop clair que ce scrutin du 20 février a fait fleurir un certain nombre de ces radicaux, de ces purs du « programme minimum » et du mandat impératif, qui seraient de force à servir la république tout juste comme M. Barodet l’a servie un jour par sa première élection. Heureusement ils ne sont qu’une minorité, et dans cette masse de députés inconnus envoyés à Versailles par les départemens beaucoup sont d’une modération relative; la plupart sont tout simplement des républicains constitutionnels qui ont commencé par attester devant le suffrage universel leur respect pour le pouvoir de M. le maréchal de Mac-Mahon. Comment se classeront tous ces élémens obscurs et incohérens? Il est vraisemblable que dans ce monde parlementaire tout neuf les combinaisons ne seront plus les mêmes; les partis se transformeront ou se grouperont autrement qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici, et de tout cela il sortira une majorité modérée. C’est maintenant aux politiques républicains de la former, cette majorité nécessaire. Ils y sont intéressés, s’ils veulent préserver la république des difficultés et même des dangers qu’elle peut trouver dans une situation où l’inconnu est partout, où l’ancien équilibre des partis a disparu et où l’on ne voit pas encore comment se constituera, sur quoi reposera l’équilibre nouveau.

Un des premiers dangers, c’est précisément cette obscurité, c’est que tout est inconnu et neuf dans cette assemblée qui vient de sortir du scrutin du 20 février, dans cette majorité républicaine que le suffrage universel a fait surgir. Il y a sans doute quelques exceptions, des illustrations ou des notoriétés qui ont été sauvées du naufrage. M. Thiers a été nommé comme il devait l’être dans l’arrondissement parisien où il se présentait; mais M. Thiers est en dehors des partis, et d’ailleurs restera-t-il dans la chambre des députés? Ne préférera-t-il pas le sénat, où Belfort lui a donné un siège? M. Dufaure est, lui aussi, un des élus, un des grands noms de la nouvelle chambre, où il est envoyé par un des arrondissemens de la Charente-Inférieure. M. Gambetta est le vainqueur du jour, il n’a que le choix entre Paris, Lille, Marseille et Bordeaux, qui l’ont nommé. D’autres hommes jeunes, et déjà connus, M. Bardoux, M. Germain, M. Léon Renault, M. Paul de Rémusat, M. Savary, sont dans l’assemblée nouvelle. M. Ricard, le député des Deux-Sèvres, qui a représenté les opinions du centre gauche avec autant de modération que d’habileté de parole, M. Ricard a échoué, il sera sans doute élu à un prochain scrutin. On en pourrait citer quelques autres, pas beaucoup. Le reste de la majorité républicaine, il faut bien l’avouer, n’est plus qu’une masse obscure et indistincte. C’est peut-être pour la première fois en France qu’on verra une assemblée aussi complètement