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ou des partis victorieux, qui trouvent tout simple de n’avoir point à compter avec les dissidences, avec la contradiction, même avec les alliances indépendantes, et qui un beau jour sont renversés comme ils ont été élevés, par un coup de vent de réaction qu’ils n’ont pas su prévoir.

Qu’on dise aujourd’hui tant qu’on voudra que la république est fondée par le scrutin du 20 février, soit; elle peut en effet être fondée, — à la condition que ceux qui la représentent ne montrent ni esprit exclusif de parti, ni impatiences agitatrices, et qu’ils ne soient pas les premiers à préparer sa ruine. Les républicains ne peuvent s’y méprendre: quel que soit le vote du 20 février, ils ne commettraient pas des fautes impunément, et la raison la plus décisive, de la sagesse qui leur est imposée, est dans les circonstances extérieures et intérieures qui les entourent. Elle est avant tout dans ce mot que M. Thiers disait en 1872 : « Ce n’est pas à la France seule que la République a besoin d’inspirer confiance, c’est au monde. » C’est une raison toujours vraie, qui pèse de tout son poids sur notre politique, sur tout ce que majorité et partis peuvent se permettre dans nos affaires de finances, comme dans nos affaires militaires, comme dans toutes les questions qui intéressent la paix civile de la France. C’est là surtout que « la moindre faute ferait évanouir les espérances dans une désolante réalité. » Il y a pour la nouvelle majorité une autre raison particulière de sagesse, c’est que les républicains ont beau être victorieux, ils ne sont pas seuls, ils ont l’empire auprès d’eux et devant eux. Les bonapartistes n’ont pas eu sans doute tous les succès qu’ils se promettaient; ils n’ont pas moins réussi à enlever un certain nombre d’élections, à faire nommer leurs principaux représentans; de plus dans beaucoup de scrutins ils serrent de près le candidat qui a triomphé, et, par la fatalité de la politique qui a été suivie, ils se trouvent aujourd’hui former dans l’assemblée nouvelle le plus vigoureux noyau de résistance. Or les républicains ne peuvent oublier que, puisqu’ils sont victorieux, c’est contre eux que l’opposition va être dirigée, et que les réactions qu’ils provoqueraient par une fausse politique tourneraient au profit de l’impérialisme. Tout se réunit donc pour que les chefs de l’opinion républicaine s’étudient à montrer autant de modération que de prévoyance, pour qu’ils se fassent au besoin un devoir de réprimer les excentricités de leur parti, pour que cette majorité nouvelle enfin soit une aide, un appui pour le gouvernement au lieu de lui créer des embarras.

Des embarras, il y en aura toujours assez. C’est à coup sûr le moment d’agir avec circonspection, de se surveiller, de s’inspirer surtout d’un sentiment sincère de la situation. Évidemment les élections dernières doivent avoir leur influence sur la direction de la politique du gouvernement, et une des premières conséquences du scrutin du 20 février