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(15 juin 1569), et, comme il prévoyait une fin prochaine, il faisait connaître les desseins qu’il formait sur son élève favori. « Suivant les propos que j’ai tenus à ma fille aînée, je lui conseille, pour les raisons que je lui ai dites à elle-même, d’épouser M. de Téligny, pour les bonnes conditions et autres bonnes parties et rares que j’ai trouvées en lui. Et, si elle le fait, je l’estimerai bien heureuse ; mais en ce fait je ne veux user ni d’autorité, ni de commandement de père ; seulement je l’avertis que, l’aimant comme elle a bien pu connaître que je l’aime, je lui donne ce conseil pour ce que je pense que ce sera son bien et contentement, ce que l’on doit plutôt chercher en toutes choses que les grands biens et richesses. »

Louise de Coligny aimait le jeune Téligny ; ils s’étaient connus enfans dans la solennelle douceur de Châtillon. Depuis qu’il était sorti de l’adolescence, elle ne le voyait plus qu’entre deux batailles, et les dangers qu’il courait avaient sans doute contribué à imprégner de passion la tendresse un peu tranquille qui naît d’une vie commune. À Moncontour, le régiment de Téligny avait soutenu celui de La Noue, devenu le mari de la jeune Marguerite de Téligny. Il était toujours employé aux négociations qui suivaient les combats, et Biron l’emmena avec lui quand il alla traiter avec le roi et la reine-mère.

Un moment on put croire à une paix durable : l’amiral, « pensant avoir trouvé après tant de travaux quelque repos, prit dessein de se remarier[1]. » Il épousa à La Rochelle Jacqueline d’Entremonts, et peu après, le 26 mai 1571, on célébra dans la même ville les noces de Téligny et de Louise de Coligny, devant Jeanne d’Albret, son fils le roi de Navarre, le prince de Condé, le prince Marcillac, La Noue, le grince Louis de Nassau.

L’année suivante, le roi écrivit à l’amiral des lettres caressantes, le conviant à venir à Blois et le priant de s’entremettre pour le mariage de la princesse Marguerite, sa sœur, avec le roi de Navarre ; ce mariage était le meilleur moyen d’affermir la paix et la concorde publique. L’amiral se rendit à Blois, mais ce qu’on lui rapporta des menées des Guises le mit en méfiance, et il retourna à Châtillon. Il fit prier le roi par son gendre Téligny de lui permettre d’y retenir quelques soldats pour sa garde. Soit que le bonheur amollît son âme, soit que, malgré son expérience diplomatique, Téligny n’eût point perdu cette fleur de candeur qui convient à la jeunesse, il se faisait sans cesse auprès de l’amiral et des gentilshommes huguenots le garant de la bonne foi royale. Il entretenait son beau-père de grands desseins bien capables de l’émouvoir. Le roi voulait faire

  1. Mémoires de l’admira de Chastillon, p. 119. Paris 1665.