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ses casaques orangées de velours, avec force passemens d’argent, et les armes dorées par bandes. » Il fut accablé dans une escarmouche et resta trois ans durant le prisonnier du duc de Parme. Le roi fit dire qu’il lui paierait volontiers sa rançon, s’il s’engageait à ne jamais prendre les armes pour ceux de la religion. Il refusa d’abandonner « les églises persécutées; » les Montmorency lui prêtèrent 53,000 écus pour payer sa rançon; il revint juste en France un jour avant la mort de Monsieur ; il alla faire sa cour au roi et au roi de Navarre. « J’étais demeuré près de lui, écrit-il, qui durant les chemins me reprit à diverses fois pour discourir de la grandeur des affaires qui lui allaient tomber sur les bras, de la faiblesse du roy, qui voyait en la puissance de la ligue la puissance qu’ils pourraient avoir de Rome et d’Espagne, tant d’argent que d’hommes, qu’il était mal assuré de M. de Montmorency, le Dauphiné fort divisé et M. de Lesdiguières ne s’animant jamais en toutes choses avec les résolutions communes, nos places mal garnies et aussi peu fortifiées, qu’on visait à luy pour le rejetter de la succession. »

Ils font ainsi plusieurs lieues, toujours discourant, concluant « que la cause est fondée en la justice humaine, que Dieu la maintiendrait, qu’il fallait quitter tout plaisir. » On se promit un appui éternel. Le roi de Navarre fut sans doute plus entraînant encore que de coutume pour gagner tout à fait un homme dont il connaissait la vaillance, et qui avait, si jeune encore, le corps déjà couturé de blessures. Désormais le vicomte de Turenne lui appartient. On arrive ainsi à Nérac, et on y célèbre ensemble le jeûne « avec une très grande dévotion. »

À Coutras, Turenne fait l’office de sergent de bataille sous l’œil du roi de Navarre, puis se mit à la tête des cavaliers gascons. Le roi lui rendit avec respect, le soir même de la victoire, le corps de Joyeuse, qui était son proche parent. Les affaires de Henri IV semblèrent presque perdues, quand le duc de Parme le contraignit à lever le siège de Paris. Pendant le siège était arrivé auprès de lui Horace Pallavicini, réfugié pour la religion en Angleterre, et qui avait été dépêché en Allemagne par la reine Elisabeth pour faire contribuer les princes protestans à une armée pour le roi de France. Il avait mission de proposer à Henri IV d’envoyer une personne de qualité à ces princes pour traiter de cette levée; il nomma du Plessis, de La Noue, ou M. de Châtillon, le fils de l’amiral. Henri IV confia la mission au vicomte de Turenne, bien que celui-ci souffrît beaucoup des suites d’une blessure qu’il avait reçue dans la campagne de 1587, devant le fort Nicole, près d’Aiguillon. Cette négociation, qui fut l’origine de la fortune de Turenne, en ouvrant les voies à son premier mariage avec l’héritière de Henri de la Mark,