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par artifice, que, lorsque je seré en Holande, il ne faut pas que je face estat d’en partir, et que l’on fera nestre toujours quelque occasion (avec ce qu’il y a aparence que nos misères de France en produiront assez) pour s’escuzer au roy de léser aler mon fils ; je suis à cest heure à combattre donc pour n’aler point là, bien que leur dye (dise), tousjours que j’yré, mais il me survient tousjours quelque dificulté ; enfin ils découvriront bien que c’est que je n’en ay pas envye, s’il ne vous plaist m’y aider par ce moyen, m’escrivant une lettre que je peuse montrer, par laquelle, disant que vous avez entendu par le sieur de La Tour que je veux aler en Holande, vous me pries de suspendre cette résolution jusqu’à ce que soyez de retour, parce que vous avez fait entendre au roy que j’estois icy en quelque chose utile pour son service, mesmement durant vostre négotiation pour recevoir icy, et vous envoyer les comandemens qu’il luy playra vous faire. »


Son projet était de se retirer à Orange avec son jeune fils, et l’on ne peut trop s’étonner qu’il ne pût convenir au prince Maurice ni aux états de donner à la France un gage aussi précieux qu’un prince d’Orange et de le livrer entièrement aux influences françaises. Les Espagnols qui étaient en Provence avaient été presque tous défaits et la principauté d’Orange était aux Nassau ; mais elle était bien loin de la Hollande, et la France était profondément troublée. Louise supplie le vicomte de Turenne de revenir en France par les Pays-Bas ; elle ira le voir au lieu où il voudra, « Votre beau jugement, écrit-elle, résoudra, s’il lui plaît, les troubles de mon esprit pour prendre la résolution que me conseillères soit pour demeurer en ces pays, soit pour me retirer ailleurs. »

Peu après avoir écrit cette lettre, Louise de Coligny eut la visite de sa cousine d’Andelot « qui est certes une des plus honneste et sage fille du monde, » qui lui servit de prétexte pour différer d’aller en Hollande. On lui assigna toutefois le mois de mai pour aller à La Haye « avizer aux affayres de cette mayson, invention que seulement on a trouvée pour m’y activer, car je sais qu’en ce temps icy, on n’y pense donner aucun ordre. » (Lettre du 29 mars.) J’extrais ce passage d’un post-scriptum à la lettre précédente, qui avait été retournée à Middelbourg à cause du départ d’un messager :. « Nous n’avons point sceu des nouvelles de France depuis le passage de M. de La Tour, sinon de la prise de Fecan (Fécamp), de quoy M. de Hollat a pensé enrager, car on l’avait fait venir avec. un très beau secours, et cependant on fit la composition peu devant sa venue, à ce qu’aucuns disent assez mal à propos. Le bruit vient de tous côtés que Chartres est au roy, mais à cause du vent contrayre, on n’en peut encore bien sçavoir la vérité ; le duc de Parme est encore à Bruxelles et se haste assez lentement pour aller en