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réellement et pratiquement inaugurée; il ne reste plus maintenant qu’à la respecter et à l’appliquer jusqu’au bout. C’est la situation nouvelle qui commence au lendemain et sous les auspices des élections du 30 janvier, du 20 février, complétées et corroborées par les ballottages du 5 mars. C’est ce qui est apparu l’autre jour à Versailles dans cette « cérémonie » où une assemblée près de disparaître a légué la république constitutionnelle à des pouvoirs sortis tout ardens du scrutin populaire.

Évidemment la situation est nouvelle. Ce que les élections sénatoriales du 30 janvier ont commencé, les élections des députés, les scrutins du 20 février et du 5 mars l’ont achevé en assurant la prépondérance décidée de la majorité républicaine. Entre la dernière séance publique de l’ancienne assemblée et la première réunion des nouvelles chambres, tout a singulièrement changé; l’évolution est complète, et il n’est pas étonnant que la transition soit un peu confuse, qu’il y ait des tâtonnemens, des illusions, une certaine incohérence mêlée de quelques jactances de victorieux impatiens. C’est un peu l’histoire de l’heure où nous sommes, de cette sorte de mise en mouvement d’un régime nouveau avec des pouvoirs qui se rencontrent pour la première fois, qui ont, pour ainsi dire, à lier connaissance avant de concourir ensemble à la pratique d’une constitution. La vérité est que, pour tout le monde, il y a un terrain à évaluer, une position à prendre, une ligne de conduite à se tracer. Depuis quinze jours déjà, le gouvernement, pour sa part, est en pleine réorganisation. Les deux chambres de leur côté, depuis qu’elles sont réunies, travaillent à se constituer ; elles se hâtent de valider élections sur élections pour arriver aux affaires sérieuses. En attendant, les partis s’observent, s’étudient visiblement et cherchent à se classer. Cette majorité républicaine elle-même, qui existe incontestablement, qui se compose néanmoins d’élémens fort divers, cette majorité est occupée à s’interroger, à se reconnaître et à se débrouiller. Réunions séparées du centre gauche, de l’ancienne gauche, des radicaux, réunions plénières de toutes les fractions républicaines, qu’on voudrait absorber dans un vaste et confus amalgame, tout cela se succède depuis quelques jours et déguise à peine un travail d’enfantement assez incohérent. C’était inévitable, surtout dans une assemblée comme la chambre des députés, où il y a beaucoup de nouveau-venus et d’inconnus. L’essentiel est de ne point trop s’attarder dans la confusion de ces préliminaires obscurs, d’aller droit aux difficultés principales, au nœud de la situation, sans laisser à l’imprévu, aux passions, aux excentricités, aux tentatives de domination personnelle, le temps de tout compliquer et de tout aggraver.

Qu’on ne s’y trompe pas, les heures sont plus que jamais précieuses : tout peut dépendre du premier moment, de la manière dont les questions vont s’engager, de l’initiative et de l’action du gouvernement appelé