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l’espoir de la circulation indéfinie des deux métaux l’un à côté de l’autre, avec les poids respectifs qu’on venait d’adopter pour leurs pièces, se trouvait déçu. Cet état de choses se maintint jusqu’en 1848 avec quelques interruptions pendant lesquelles le rapport des métaux se rapprochait fort de 15 1/2. L’exploitation des mines d’or de l’empire russe avait, à partir de 1825, compensé un peu la modicité de l’extraction de l’or dans les gisemens du Nouveau-Monde. La Russie fournissait, en 1830, environ 6,000 kilogrammes d’or, fin, et en 1841 c’était monté à près du double. Mais en 1848 eut lieu la découverte des mines bien autrement productives de la Californie, et trois ans après, en 1851, la même race anglo-saxonne établie en Australie mettait la main sur les mines d’or non moins remarquables de cette contrée. La production de l’or acquit en peu d’années un développement inespéré : tandis qu’au commencement du siècle, à la date même de la loi de l’an XI, l’Amérique rendait 14,000 kilogrammes d’or seulement, sans que la Russie orientale et l’Australie y ajoutassent rien, en 1864 et 1865 l’Amérique en fournissait 83,000 kilogrammes, quantité que la Russie et l’Australie grossissaient ensemble d’un contingent de 118,000, total 201,000, soit quatorze ou quinze fois autant qu’au commencement du siècle. Dans le même intervalle, la production de l’argent n’augmentait que d’un tiers dans les régions accessibles à l’Europe ; d’environ 900,000 kilogrammes, elle ne montait qu’à 1,200,000. Les proportions respectives de l’offre des deux métaux étaient ainsi bouleversées. L’or éprouva, par rapport à l’argent, une baisse bien moindre pourtant qu’on n’aurait pu l’attendre, mais qui fut assez marquée pour que l’or pût se substituer en France à l’argent avec rapidité. On nous apportait à monnayer beaucoup d’or et en retour on emportait nos pièces de 5 francs. La France passa ainsi du régime de la monnaie d’argent à celui de la monnaie d’or. Sous le second empire, le monnayage de l’or a été de 6 milliards 152 millions contre 625 millions en argent. Sous le règne de Louis-Philippe, il n’avait été que de 216 millions contre 1 milliard 757 millions en argent. Le public s’applaudit de cette introduction de l’or aux lieu et place de l’argent, par les mêmes motifs qui antérieurement avaient captivé les Anglais, à savoir que les pièces d’or sont d’un maniement plus facile, qu’on en peut porter commodément une certaine somme, et qu’avec elles le comptage prend bien moins de temps. On ne remarquait pas qu’en acceptant ce remplacement sur le pied de 15 1/2 d’argent contre 1 d’or, on se dessaisissait d’un objet de plus grande valeur pour en recevoir un autre qui valait sensiblement moins sur le marché général.

Mais entre temps on avait reconnu dans l’intérieur des terres, derrière la Californie, en l’état de Nevada, des mines d’argent d’une