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lingots, eût été libre : c’était la législation énormément restrictive à laquelle chaque gouvernement avait soumis l’exportation des espèces monnayées et même des lingots. Cette exportation ne se faisait que par contrebande. Légalement elle entraînait la peine des galères, et même dans certains cas la peine de mort. L’obstacle suscité à l’exportation chez les uns gênait fort l’importation chez les autres. Le gouvernement espagnol, dans les domaines duquel se trouvaient pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles les principales mines de métaux précieux, outre les lois draconiennes qu’il faisait pour retenir ces métaux chez lui, paralysait la production par les vices du régime politique, administratif et fiscal auquel étaient soumises ses colonies du Nouveau-Monde, qui recelaient ces mines. En outre, dans plusieurs états, notamment en France, les opérations sur les monnaies, telles que la refonte et le triage, qu’on appelait billonnage, étaient interdites très sévèrement. Mais dans le XVIIIe siècle l’opinion s’accrédita, parmi les hommes éclairés, que le commerce des métaux précieux, au lieu d’être le plus assujetti de tous, devait être le plus libre, et qu’il devait en être de même de la manipulation des monnaies, qu’on commençait enfin à assimiler aux lingots. Moyennant cette liberté, une fois qu’elle serait admise, la nécessité des variations dans les monnaies devait se présenter bien plus fréquemment, si on persistait à vouloir les avoir en circulation l’un et l’autre, Le problème d’effectuer ces variations juste au bon moment et dans la proportion convenable devait, sous le régime de la liberté, devenir complexe et fort embarrassant à résoudre. Il y avait aussi un péril résultant de ce que deux moyens se présentaient quand on aurait à modifier lies poids des pièces de monnaie des deux métaux formant un même nombre de livres, à savoir, soit de diminuer le poids de la livre pour l’un, soit de l’augmenter pour l’autre. En profitant de cette alternative au gré de leur cupidité ou de leur situation besoigneuse, de manière à procéder toujours par voie de diminution, en promenant celle-ci de l’un des métaux à l’autre, ce qui assurerait un bénéfice au trésor public dans tous les cas sans exception, les gouvernemens pourraient faire tomber presque à rien la teneur des monnaies en métal fin. Pour parer à ce péril, l’adoption solennelle d’un seul étalon bien immuable offrait un avantage considérable, et ce fut la mesure à laquelle l’Angleterre se décida en 1816, sur un rapport adressé au roi par le premier ministre, lord Liverpool. Pour cette destination, elle choisit l’or, pour lequel la nation anglaise montrait un penchant dont nous avons dit la cause. Quelques hommes éminens disaient en outre qu’avec l’or il y a moins à redouter qu’avec l’argent des variations fortement accusées entre l’offre et la demande. Senior entre autres a soutenu cette opinion. Par la constitution d’un étalon unique, on