Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/717

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être un parti, qu’il acceptera le concours de tous ceux qui voudront l’aider.

Le fait est qu’une expérience assez nouvelle et assez curieuse commence aujourd’hui pour l’Italie. Les ministères de la gauche qui se sont formés quelquefois, par accident, sous la présidence de Rattazzi n’ont pas eu une longue durée et ont toujours assez mal fini. Celui qui vient de naître sera-t-il plus heureux ? Les propositions qu’il annonce n’auront-elles pas pour effet de reconstituer l’ancienne majorité de libéralisme modéré, vers laquelle reviendront par la force des choses les dissidens qui viennent de se séparer momentanément ? Le danger peut n’être pas immédiat. On laissera à la gauche le temps de montrer ce qu’elle est au pouvoir et de commettre des fautes. L’ancienne majorité, si désorganisée qu’elle ait été par les derniers incidens, n’existe pas moins dans de parlement ; elle peut se rallier, surtout si on lui offre une occasion favorable. Le cabinet dissoudra la chambre, dit-on ; c’est possible, si le roi se prête jusqu’au bout à une épreuve qui pourrait compromettre par des agitations nouvelles ce qui a été si laborieusement conquis par la modération. La question est toujours de savoir quelle force définitive aura un ministère qui, à un moment donné, peut trouver devant lui des hommes comme M. Minghetti, M. Sella, M. Lanza, M. Ricasoli, M. Peruzzi, M. Visconiti-Venosta, M. Bonghi, tous ceux qui ont marqué au premier rang dans les crises de l’Italie renaissante.

L’Espagne, quant à elle, vient à peine d’échapper à la guerre civile, et elle est encore tout entière aux fêtes de la paix qu’on s’est hâté de célébrer. Le jeune roi Alphonse XII est entré à Madrid à la tête de 25,000 hommes de son armée, escorté par les généraux qui se sont signalés dans la dernière guerre contre les carlistes : Quesada, Martinez Campos, Morionès, Loma. Évidemment les ovations qui ont accompagné le jeune souverain, les chefs militaires et l’armée, ont été cette fois aussi spontanées que sincères ; c’était le sentiment public qui éclatait au passage de ces soldats éprouvés par une rude campagne, et l’Espagne tout entière, représentée par des députations, assistait aux fêtes de Madrid. Il y a quelques mois à peine, l’Espagne en était réduite à s’épuiser dans cette lutte meurtrière et odieuse, dont on ne croyait pas voir si prochainement la fin, et qui aurait pu en effet se prolonger, tant les moyens dont le prétendant a disposé jusqu’au bout étaient puissans. Aujourd’hui tout est terminé, et le signe le plus frappant d’une pacification complète, c’est que le service du chemin de fer, interrompu depuis trois ans, est maintenant rétabli entre Madrid et la frontière de la Bidassoa. Une partie de l’armée a été laissée comme force d’occupation dans les provinces du nord, où il reste à effacer les traces de la guerre civile, et ce ne sont pas seulement des traces matérielles ; il faut aujourd’hui rétablir l’ordre légal partout, réintégrer les libéraux dans des propriétés dont ils ont été violemment dépouillés, et qui ont été vendues par le