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produit les effets les plus curieux. Injectée à très petite dose sous la peau d’une grenouille, elle est rapidement absorbée, et empoisonne le système nerveux et le système musculaire. Cette influence se fait sentir au bout de quelques minutes. On voit alors la secousse musculaire, provoquée par une excitation électrique simple, devenir un tétanos d’abord léger, puis successivement de plus en plus complet. C’est que la strychnine rend le système nerveux très excitable. Il est probable qu’elle augmente la vitesse du fluide nerveux, mais en tout cas elle surexcite l’action réflexe. Le moindre attouchement d’un nerf provoque immédiatement un tétanos complet, non-seulement du muscle animé par ce nerf, mais de tous les muscles de l’animal. L’excitation tétanique réside dans la moelle épinière car, si on coupe ce centre nerveux et si l’on excite un nerf de la portion inférieure, la contraction spasmodique des muscles animés par le tronçon supérieur cesse aussitôt. Il ne faut pas croire qu’il soit besoin d’une excitation violente pour produire ce tétanos. Il suffit du moindre attouchement ; si l’on frappe la table où repose une grenouille empoisonnée par la strychnine, elle contracte aussitôt tous ses membres et devient rigide comme un bâton.

Le myographe traduit fidèlement toutes ces formes de l’action musculaire, mais il n’est pas nécessaire que l’empoisonnement soit si profond. Bien souvent il arrive qu’on se serve par erreur d’une épingle qui a touché précédemment une grenouille empoisonnée, elle ne retient guère de strychnine, et cependant on aperçoit au myographe un début de tétanos, tant la recherche par ces instrumens enregistreurs est précise. Il est probable qu’on en fera une heureuse application à la médecine légale, dans les cas si nombreux où la quantité de substance recueillie est insuffisante pour une analyse organique sérieuse.

Le froid, la fatigue, exercent aussi une influence remarquable sur la secousse musculaire. D’abord le muscle est plus long à se contracter, à mesure qu’il se fatigue. Non-seulement il tarde à entrer en action, mais il tarde encore à revenir à son état primitif, et la secousse, au lieu d’être brève, est très allongée. Le froid a une action analogue. La chaleur au contraire a une action opposée. Plus on chauffe un muscle, plus il se contracte vite, et plus sa contraction est intense ; mais son excitabilité se perd plus rapidement, et d’ailleurs il ne faut pas dépasser 40 ou 45 degrés, car à cette température on coagulerait les substances albuminoïdes qui constituent les élémens chimiques du muscle, et sa mort en serait la conséquence.

Il y a aussi des différences curieuses entre la forme de la secousse musculaire chez les divers animaux. Toutes chose égales d’ailleurs, la fibre musculaire de l’oiseau se contracte très rapidement, celle des mammifères avec un peu plus de lenteur ; en particulier, les mammifères dits hibernans, tels que la marmotte, le hérisson, lorsqu’ils sont plongés dans le sommeil hibernal, ont une secousse plus lente et plus