Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/786

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a eu le plus d’influence sur ses disciples, et qu’il a lui-même indiquée comme la plus importante ; celle enfin qui a été marquée par la publication du Nouveau Christianisme.


III

Le caractère philanthropique et populaire de la doctrine de Saint-Simon commence à paraître dans sa publication du Système industriel. « Le but direct de mon entreprise, disait-il dans une de ses lettres aux industriels, est d’améliorer le plus possible le sort de la classe qui n’a d’autre moyen d’existence que ses bras… Ce serait d’elle que les gouvernemens devraient s’occuper principalement, et au contraire c’est celle de toutes dont ils soignent le moins les intérêts ; ils la regardent comme essentiellement gouvernable et imposable, et le seul soin important qu’ils prennent à son égard est de la maintenir dans l’obéissance passive[1]. » Quels sont maintenant les besoins de cette classe si nombreuse et si intéressante ? Ils se réduisent à deux : le travail et l’instruction. L’un et l’autre seront le résultat du système industriel et scientifique : car d’une part les industriels chargés de faire le budget tendront à donner le plus d’extension possible aux entreprises industrielles qui occupent le plus de bras ; et de l’autre, les savans sont le plus en état de donner un bon système d’éducation populaire ; car ce qui est le plus utile au peuple dans ses travaux, ce sont les notions pratiques déduites des sciences positives. On voit à quoi se réduit jusqu’ici le socialisme de Saint-Simon. Il consiste dans une vaste entreprise de travaux publics et dans la prédominance de la classe industrielle ; mais il n’a jamais encouragé ni même soupçonné cet antagonisme de la classe possédante et de la classe ouvrière dont on a fait depuis un des dogmes du socialisme. Dans un autre écrit[2], la tendance philanthropique et réformatrice est plus marquée. Il donne pour but à la politique « de travailler directement à l’amélioration du bien-être moral et physique des travailleurs ; » nous reconnaissons déjà une partie de la formule saint-simonienne, qui ne deviendra complète que dans le Nouveau christianisme. Les moyens proposés pour arriver au but qu’il vient d’indiquer sont : de procurer du travail à tous les hommes valides (nous approchons, on le voit, de l’organisation du travail et du droit au travail), — de répandre le plus possible les connaissances positives dans la classe populaire, — de lui garantir enfin des plaisirs et des

  1. Œuvres, t. XXII, p. 81.
  2. Opinions philosophiques, p. 108 et suiv.