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LE
COMTE ROSTOPCHINE
D'APRES UNE CORRESPONDANCE NOUELLEMENT PUBLIEE.

M. Pierre Barténief : I. Arkhiv Kniasa Voronzova, t. VIII, Moscou 1876. — II. Dévetnadtsatyi Viek, t. II, Moscou 1875. — III. Rousskii Arkhiv, année 1875, Moscou.

Le comte Féodor Rostopchine s’est trouvé mêle à l’un des plus grands événemens de l’histoire universelle. Si vraiment il fut l’auteur de l’incendie de Moscou, comme c’est l’opinion commune, on peut dire que non-seulement il a porté le coup mortel à la fortune de Napoléon, mais qu’il a suscité la crise qui décida du sort de notre pays devant l’Europe, jeté dans la balance encore indécise du destin le poids qui la fit trébucher à notre détriment, arrêté brusquement la marche ascendante de la France et donné l’impulsion qui la fit décliner. Sous la révolution et l’empire, notre race atteignit à son maximum de puissance matérielle, et c’est dans la campagne de Russie qu’elle la déploya tout entière : la grande armée en 1812 s’avança dans le nord-est de l’Europe à une distance que n’atteignit jamais armée gauloise ou latine, ni dans les courses aventureuses de Brennus, ni dans le siècle triomphal des Trajan et des Marc-Aurèle, et cependant du bassin du Volga elle fut ramenée sur la Seine, de Moscou rejetée sur Paris, Conquérante de l’Europe continentale, la France fut conquise à son tour, et l’hégémonie politique que lui avaient assurée dix siècles de progrès et de supériorité en tous genres, vingt années de victoires inouïes, passa à d’autres peuples. Dans cette année critique de 1812, il y eut un moment