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Depuis sept années environ, la Grèce soulevée se battait contre la Turquie ; à dater de 1827, cette lutte particulière est close, la Turquie est en guerre avec les trois grandes puissances unies par le traité de Londres. On sait quel fut le premier résultat de cet accord, et comme la flotte ottomane fut détruite dans les eaux de Navarin. On sait aussi que l’Angleterre, et même la France, ne s’étaient jointes à la Russie que pour la surveiller de près. Dans ce mouvement d’horreur qu’avait excité chez tous les peuples chrétiens la dévastation de la Morée par les soldats d’Ibrahim, il était impossible aux gouvernemens d’Angleterre et de France de contrarier plus longtemps les vues du cabinet de Saint-Pétersbourg ; leur seule ressource était de s’associer aux desseins avoués de la Russie pour déjouer sa politique secrète. Il fallait marcher avec elle pour l’empêcher d’aller trop loin, il fallait surtout empêcher qu’elle ne recueillît toute seule les bénéfices d’une intervention nécessaire. À Paris comme à Londres, on espérait que la menace arracherait au divan ce que la diplomatie n’avait pu obtenir, et que l’Orient serait bientôt pacifié sans que l’empire ottoman reçût de trop profondes atteintes. C’est ainsi que la victoire de Navarin, avec ses conséquences si terribles pour la Turquie, fut considérée par le ministère anglais comme un événement malencontreux. Il est indispensable de rappeler tous ces faits pour apprécier la suite de notre récit, il importe aussi de ne pas oublier que le danger de la Grèce pendant l’invasion d’Ibrahim avait rapproché les partis et amené une sorte de réconciliation dans le congrès national. C’est alors que trois étrangers, deux Anglais et un Grec de Corfou, devenu Russe de cœur et d’âme, avaient été provisoirement chargés des plus hautes fonctions actives. Lord Cochrane, élu amiral, devint le chef de toutes les forces maritimes, sir Richard Church eut le commandement de toutes les troupes de terre, le comte Capodistrias fut nommé président ou gouverneur pour une durée de sept ans.

Cette souveraineté de sept ans était chose bien incertaine ; il était clair que les puissances en abrégeraient le cours au moment qu’il leur conviendrait de choisir pour l’organisation définitive du nouvel état. Le président, politique si habile et si fin, ne devait se faire aucune illusion à cet égard. S’il avait été dupe de ses désirs, des symptômes très significatifs l’eussent bientôt détrompé. Au mois de décembre 1828, les plénipotentiaires russes, anglais, français, réunis aux conférences de Poros, demandèrent au comte Capodistrias quel candidat il avait à recommander pour le futur trône de Grèce. C’est là un fait très curieux, que je ne vois indiqué dans aucun des travaux relatifs à la révolution hellénique, et que Stockmar nous donne d’après les notes de son maître. Le comte