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dans l’alliance occidentale ; si elle devait traîner jusqu’au bout dans une neutralité équivoque, et c’était ce que la pénétration de Cavour entrevoyait, le cabinet de Turin ne pouvait que gagner à la devancer par une résolution hardie et généreuse. Si l’Autriche enfin se trouvait conduite par quelque circonstance nouvelle à se rejeter vers la Russie, oh ! alors tout serait pour le mieux, la question italienne naîtrait d’elle-même. De toute façon, il n’y avait plus à hésiter, et au dernier moment Cavour était encouragé par un homme qui est resté jusqu’à la fin son ami passionné, par le représentant de l’Angleterre à Turin, sir James Hudson, qui venait de recevoir de son gouvernement la mission de proposer, d’accord avec le ministre de France, un traité d’alliance au Piémont.

Toutes les difficultés n’étaient point encore vaincues sans doute, puisque les conditions de l’alliance restaient à fixer. Le gouvernement sarde se bornerait-il à envoyer un contingent qui formerait un corps auxiliaire soldé par l’Angleterre ? Le cabinet de Londres semblait l’avoir compris ainsi ; mais ni Cavour, qui tenait à l’indépendance de sa politique, ni La Marmora, qui avait le juste orgueil du petit corps expéditionnaire dont il devait être le chef, ne se seraient prêtés à cette combinaison. Ils n’admettaient pour le Piémont d’autre rôle que celui d’un allié traitant avec des alliés, faisant la campagne à ses frais, gardant la dignité et le désintéressement de sa coopération pour en garder les droits. Tout ce qu’on demandait au cabinet de Londres était de faciliter un emprunt. — D’un autre côté, le ministère de Turin eût évidemment désiré quelque garantie pour l’Italie, ou tout au moins une sorte de gage ostensible de sympathie ; il aurait voulu que l’Angleterre et la France prissent l’engagement de réclamer à Vienne la levée des séquestres lombards ; mais la France et l’Angleterre ne pouvaient accepter cette condition, à laquelle le gouvernement sarde tenait par délicatesse, et la question serait devenue peut-être un embarras sérieux, si elle n’avait été heureusement tranchée par les principaux émigrés lombards, qui, dans l’intérêt de la négociation, demandaient à Cavour de ne point s’occuper d’eux. A la dernière heure, sur le refus du général Dabormida de renoncer à la garantie qu’il réclamait, Cavour était obligé de prendre lui-même le ministère des affaires étrangères pour signer sans conditions, et c’est ainsi que de toutes ces difficultés, de toutes ces délibérations intimes, se dégageait ce traité du 10 janvier 1855 qui liait le Piémont à la France et à l’Angleterre, qu’un envoyé de Prusse à Londres, M. d’Usedom, appelait « un coup de pistolet tiré à l’oreille de l’Autriche. »

Une dernière bataille restait à livrer dans le parlement, et Cavour devait évidemment s’attendre à rencontrer devant lui toutes les oppositions. — Au camp de la droite, cette intervention piémontaise