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dans l’Amérique du Nord. L’Amérique australe a des libocèdres, qui forment de grandes forêts sans feuillage et sans ombre. Les podocarpes donnent à toute l’Océanie des fruits variés, charnus, colorés, suspendus comme des cerises à l’extrémité d’un long pédoncule. Enfin la Chine nous a livré le gink-go, à la feuille étalée en éventail et fendue en son milieu ; cet arbre s’en dépouille à l’automne de même que nos essences feuillues ; le bois en est homogène, léger, nullement résineux, analogue à celui de notre fusain ; le fruit, sorte de mirabelle allongée, renferme dans son noyau une amande bonne à manger rôtie, et malgré tous ces caractères les botanistes ont du ranger cet arbre fruitier, sans résine, au nombre des arbres verts et tout près de notre if européen. Tous ces arbres étrangers, au port gracieux et au feuillage élégant, n’ont d’importance que dans leur patrie. Ceux que l’on a pu naturaliser en France et même en Europe ne servent que pour l’ornement des jardins et ne donnent que des produits de qualité inférieure à celle de nos espèces indigènes. Nos grandes essences elles-mêmes sont limitées chacune à des régions spéciales, à une station bien déterminée, en dehors de laquelle elles n’offrent plus qu’un faible intérêt.

Il est peu de personnes qui n’aient eu l’occasion de remarquer le développement que prend l’emploi des bois résineux. Le sapin ou les bois du nord pénètrent aujourd’hui partout. On les reçoit jusque dans les villages les plus reculés, où l’on n’employait au siècle dernier que des bois feuillus coupés dans la forêt la plus proche. Parmi ceux-ci, les bois communs sont devenus insuffisans, et les bois précieux, de plus en plus rares, sont livrés au marché général, le prix en étant supérieur à celui des bois résineux. En certains pays, comme l’Angleterre, toute la menuiserie se fait en bois du nord. En d’autres contrées, comme la Hollande, il arrive, outre les charpentes et les planches, une foule d’objets fabriqués en bois de fente, des seaux, des cuves, des vases de tous genres pour la laiterie, les ménages et mille usages divers. En 1871, il a été expédié directement de Suède en Australie 25,000 mètres cubes de bois résineux.

Dans l’intérieur de la France, les charpentes ne se font plus guère qu’en sapin ; il en est de même des ouvrages de menuiserie ; tout ce qu’on peut éviter de faire en chêne dans la construction des vaisseaux, bateaux, ponts, jetées, usines, on le fait en bois résineux ; les mines, les chemins de fer, les télégraphes en absorbent des quantités sans cesse renouvelées. Les ports, les canaux, les voies ferrées sont chargés de ces bois, qui arrivent, se distribuent et s’échangent de tous côtés. La quantité en a décuplé depuis un demi-siècle, et quintuplé dans les vingt-cinq dernières années.

Quelles sont donc les qualités réelles, la valeur et les emplois de ces bois, généralement confondus a grand tort sous le nom de bois