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compressibles, ce sont les réservoirs à résine. En les piquant avec une pointe, on en fait couler quelques gouttes d’un liquide onctueux et odorant, qui est la térébenthine de Strasbourg.

Sous les massifs de sapin, le sol ne produit que de la mousse et quelques rares chèvrefeuilles ; il n’y a rien à brouter dans la sapinière, et le pâturage, extrêmement nuisible à la reproduction, n’y offre qu’un intérêt tout à fait insignifiant. Il en est à peu, près de même sous les épicéas ; mais entre ceux-ci les bestiaux trouvent souvent des clairières ombragées, fraîches, conservant jusqu’au milieu du jour une abondante rosée. Tels sont les prés-bois du haut Jura. Le pâturage y donne des produits excellens ; mais le bois, en disparaît peu à peu. Dans la forêt pleine, l’herbe au contraire fait défaut. De là l’utilité d’un départ laissant au pâturage les cantons les plus riches en sol, à la forêt les terrains les plus rocheux.

On résine quelquefois l’épicéa en ouvrant une large entaille dans l’écorce ; on en obtient ainsi la poix de Bourgogne, dont la valeur est sans rapport avec le dommage causé à l’arbre. Dégradé par la plaie, altéré ensuite par l’humidité de l’air, l’épicéa est condamné par le résinage à un dépérissement prématuré. L’écorce d’épicéa sert au tannage ; on l’emploie à cet usage en Suisse, en Autriche et dans les pays du nord ; cependant elle ne vaut guère qu’un tiers de l’écorce de jeune chêne. Le bois d’épicéa, n’est pas un combustible bien préférable au sapin ; mais cette essence rachète souvent l’infériorité de la qualité par l’abondance de la production. En climat froid, dans la région du sapin, du pin sylvestre et du hêtre, l’épicéa produit à surface égale un volume presque double de celui des autres essences.

En Suède comme en Suisse, on emploie le charbon d’épicéa dans les usines métallurgiques ; il pèse les deux tiers à peine du charbon de hêtre. Depuis quelques années, on fait avec le bois d’épicéa, comme avec le bois de tremble, de grandes quantités de pâte à papier. Ce bois abondant, qui sert à tant d’usages, est la ressource principale, des populations dans bien des régions élevées que l’âpreté du sol et du climat prive de toute agriculture. C’est ce qui fait désigner quelquefois l’épicéa. dans les montagnes de la Thuringe par l’expression figurée l’arbre à pain.


III

Le propriétaire d’une forêt résineuse peut s’y prendre de diverses manières pour exploiter ses bois ; en d’autres termes, il peut leur appliquer différens modes de traitement. Ainsi nous connaissons le mode du jardinage, le mode, à tire et aire, c’est-à-dire par coupes à blanc estoc, et enfin la méthode des éclaircies successives : l’un et