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offres et l’appui du ministère. De là l’irritation secrète qui éclate dans la discussion de lord Aberdeen avec le prince Léopold. Les ministres se trompaient, et ces soupçons, après tout, leur venaient un peu tard ; ne devaient-ils pas savoir comme tout le monde que la princesse Charlotte, aussi bien que la princesse de Galles, avaient eu pour protecteurs les whigs du parlement ? Et se pouvait-il que le mari de la princesse Charlotte ne demeurât point fidèle à de tels souvenirs ? Il n’était pas besoin d’expliquer la conduite du prince par des intrigues parlementaires ; son hésitation tenait aux scrupules très nobles que lui inspirait le salut de la Grèce, et nous savons aujourd’hui que ces scrupules étaient entretenus chez lui avec un art merveilleux par la diplomatie intéressée du comte Capodistrias. Le seul tort du prince, — il faut bien le répéter, puisque c’est la conclusion à laquelle chacun de ces incidens nous ramène, — c’est de ne pas avoir fait ses conditions avant d’engager sa promesse.

Tandis que la conférence de Londres s’occupe de régler définitivement les dernières questions relatives au royaume de Grèce, on apprend que le prince est parti pour la France. C’est Stockmar qui est chargé de le représenter, s’il y a lieu, auprès des plénipotentiaires. Que va-t-il faire à Paris au moment où ses intérêts se débattent à Londres ? Espère-t-il, comme on l’annonce, hâter la conclusion d’un emprunt nécessaire à l’établissement du futur royaume ? ou bien a-t-il voulu se soustraire pendant quelques semaines au dégoût que lui inspirent ces difficultés sans fin ? Il serait malaisé de choisir entre le motif officiel et le motif secret. On a dit aussi qu’il allait demander en mariage une des princesses d’Orléans ; il existe en effet une dépêche un peu postérieure du prince de Liéven (28 mai 1830) parlant de cette demande, qui n’aurait pas été accordée. Les notes de Stockmar ne renferment à ce sujet aucune indication. Quoi qu’il en soit, il est certain que le prince n’était plus le même, son ancien enthousiasme pour la Grèce se refroidissait de jour en jour. Ce fut bien pis quand il revint à Londres vers la fin d’avril. Un matin, il reçut une masse de dépêches arrivant de Nauplie. C’étaient des documens de toute sorte, rapports, adresses, journaux, comptes-rendus des réunions populaires, procès-verbaux des séances du sénat, où le prince pouvait lire comme à livre ouvert l’opinion publique des Hellènes. Qui lui envoyait ces pièces choisies avec tant de soin ? Le comte Capodistrias. Le prince les feuillette, les parcourt, d’une main fiévreuse, d’un œil impatient ; vous devinez ce qu’il y trouve : un tableau lamentable de la Grèce. Voici d’abord une longue plainte nationale au sujet du protocole du 3 février, une plainte qui s’élève de toutes parts, et, à côté de cette